Je suis historien et géographe de formation. J'ai été enseignant-formateur à l’Ecole Normale Supérieure (ENS) de Dakar, puis en charge de différentes structures et directions administratives. A la retraite depuis plusieurs années, je profite de ma liberté recouvrée pour assouvir une vieille passion : écrire. Ces dernières années, j’ai publié deux romans («Mon villages au temps des blancs » en 2000 et «La Raparille» en 2010) ainsi que trois essais (« A mes chers parents gaulois » en 2007 ; "Wade Mecum ou le wadisme en 15 mots" en 2010; "Le temps des choses jamais vues : chronique des années Wade-Sarkozy", 2013). Je publie régulièrement des chroniques dans divers journaux sénégalais (en particulier « Nouvel Horizon » et "Sud Quotidien").

dimanche 28 avril 2019

ELOGE DES ANES



NB : Texte publié dans « Sud Quotidien » du 27 avril 2019

Qu’on ne s’y trompe pas : les ânes dont il s’agit ici, ce ne sont pas les politiciens qui par leur incompétence n’ont pu ni nous sortir de la misère, ni nous libérer de la dépendance, et ce ne sont pas non plus les cancres de nos écoles auxquels on mettait jadis, en guise de punition, un bonnet de papier garni de deux cornes. Ce ne sont même pas nos concitoyens qui s’échinent à écrire leur nom tantôt Hanne ou Hann, tantôt Anne ou Ann, alors que de toute évidence la transcription « Âne » est la plus simple et la plus correcte, même si elle blesse leur orgueil. Les ânes dont nous parlerons ici, ce sont bel et bien ceux que Littré définit comme des « bêtes de somme à longues oreilles », en précisant avec perfidie qu’ils sont « d’un naturel aussi sensible, aussi patient, aussi tranquille que le cheval est fier, ardent et impétueux ».
Qu’en sait-il, M. Littré, le lexicographe, de la noblesse des ânes et que pourrait-il répondre aux neuro-scientifiques de renommée internationale qui en 2012, ont signé la Déclaration de Cambridge par laquelle ils affirment que l’âne, comme les autres bêtes, est un être conscient ?
3.000 ânes morts ? 
Je ne crois pas avoir jamais lu dans la presse sénégalaise un article appelant à la défense et à la mansuétude à l’endroit des animaux en général et des ânes en particulier, et si ces derniers font une soudaine apparition dans nos médias, c’est tout simplement parce qu’ils sont menacés de disparition. Il a fallu en effet qu’une épidémie de grippe équine sévisse dans le centre et le nord du Sénégal pour que l’âne soit rappelé à notre souvenir, avec toujours cette note de mépris puisque ce fléau porte quand même le qualificatif « d’équin », terme toujours équivoque parce qu’il ne s’applique le plus souvent qu’aux seuls chevaux, alors que la contagion a surtout tué des ânes et que les pertes sont chiffrées à plusieurs milliers de têtes selon une ONG spécialisée.
Il suffirait sans doute de suspendre tous les loumas dans les régions concernées pour juguler l’épidémie, mais la mesure mettrait en péril toute une forme d’économie et d’activités, et pas seulement dans le monde rural : l’âne est bien trop indispensable pour qu’on se paye le luxe de ménager sa santé !
Que deviendrait Touba sans ses ânes ? Voilà une cité dont on dit qu’elle serait la deuxième agglomération du Sénégal, où palais et mosquées se côtoient, scintillants de couleurs, qui est le terminus de la seule autoroute du pays et se trouve donc à moins de deux heures de la capitale, qui est dotée de tous les outils de la vie moderne au point d’être la première ville après Dakar à être éligible à la fibre, et où pourtant l’essentiel des activités de transport, d’hommes ou de marchandises, repose sur le dos des ânes ! Attelés à deux ou trois, ils trainent des charrettes lourdes de marchandises ou sur lesquelles trônent jusqu’à dix passagers, voire plus, qui ne s’émeuvent guère des coups de fouet que leur distribuent les cochers, souvent sans aucune nécessité. La loi fixe la charge maximale que peut transporter une voiture automobile, objet mécanique sans vie, mais chez nous aucune règle ne détermine de façon précise le poids ou la dimension de celle que peut trainer un âne. Il n’y a pas, hélas, de marabout des ânes !
La vérité nous oblige à reconnaitre que notre culture, nos traditions ne nous préparent pas à manifester une « humanité » débordante à l’endroit des animaux en général, les « muets de Dieu », comme on les appelle en pulaar, et nous sommes plus prompts à tendre une main secourable à un mendiant rencontré dans la rue, même quand il ne présente aucun signe de handicap, qu’à secourir un chien blessé ou à gourmander le charretier qui maltraite un cheval. Les animaux domestiques ne sont pour nous qu’une ressource et de tous, l’âne est le plus mal loti sans doute parce qu’il ne sert pas à la parade comme le cheval et qu’il n’est pas un produit de consommation comme le mouton. Epidémie ou pas, il est le grand oublié de nos animaux domestiques, il est le bon à tout faire de nos villages et on pourrait reprendre à son propos le slogan de la Loterie Nationale :il ne coûte pas cher et rapporte gros ! Il n’a pas droit au foirail, se vend à la sauvette à un prix dérisoire au regard de son utilité, il n’a pas droit aux cajoleries, et doit souvent trouver sa propre pitance. Alors que le cheval est soigné, dressé, instruit, nul ne prend le soin de former l’esprit et le corps de l’âne, « s’il n’est pas brillant ce n’est point de sa faute, il est ce qu’il doit être », dit un de ses défenseurs, car il a tout de même quelques avocats, même s’ils sont rarement de chez nous. En remontant le temps, on peut rappeler que le Prophète (PSL) enseignait qu’il faut le respecter parce qu’il voit ce que nous ne voyons pas, et que nous devrions apprendre à interpréter son braiement plutôt qu’à le moquer, que Buffon soulignait que si l’âne n’avait pas un grand fonds de bonnes intentions, il les perdrait par la manière dont on le traite, et qu’enfin le poète Francis Jammes rêvait « d’aller au paradis avec les ânes »
Condamner les cruautés
C’est peut-être trop nous demander que d’aller jusque-là, mais sans succomber à la mode du véganisme qui pourrait conduire à une impasse, sans verser dans les contradictions des Occidentaux qui ne s’intéressent aux bêtes sauvages que lorsqu’elles vivent hors de leurs territoires, qui exterminent leurs loups et s’indignent que nos paysans s’arment contre les lions, traitent les chiens mieux que les migrants, et restent pour la plupart insensibles à la grande souffrance des poulets et des cochons transformés en zombies par l’élevage industriel, nous pourrions pour le moins, rendre justice à l’un des animaux les plus exploités par l’homme et le protéger des cruautés structurelles ou culturelles.
Il est du devoir de l’Etat et de ses démembrements de lui reconnaitre et de faire respecter ses droits…
En attendant vivent les ânes, et il s’agit toujours des « bêtes de somme à longues oreilles » !

NOUS SOMMES TOUS MORTS A OGOSSAGOU



NB : Texte publié dans « Sud Quotidien » du 27 avril 2019

Ce ne sont pas seulement des Peuls, ce ne sont pas seulement des hommes des femmes, des enfants, qui ont été tués à Ogossagou, ce sont aussi les espérances des hommes et des femmes de ma génération qui rêvaient, au moment où nos pays accédaient à l’émancipation politique il y a près de soixante ans, d’une Afrique réconciliée avec elle-même, engagée à sortir de la misère et de la dépendance, mais également à panser les plaies laissées par plusieurs siècles de divisions semées et entretenues par des puissances étrangères.. Nous avions alors salué l’audace d’un visionnaire qui avait choisi de donner à son pays, le premier à accéder à l’indépendance dans notre région, le nom d’un vieil empire disparu dont le foyer se trouvait à plusieurs centaines de kilomètres. C’était bien la preuve que les frontières forgées par les colonisateurs étaient abolies et que le patrimoine historique de l’Afrique était le bien commun de tous ses fils. Cet homme inspiré était en avance sur son temps puisque près d‘un demi-siècle plus tard la Grèce, plus chauvine, refusera mesquinement à un des Etats issus du démantèlement de la Yougoslavie le droit de porter le nom de Macédoine !
C’étaient déjà nos divisions qui, il y a plusieurs siècles, avaient facilité l’odieuse traite négrière, provoquant le dépeuplement de notre continent, le privant de la partie la plus vigoureuse de sa population et brisant son élan. C’étaient les mêmes difficultés d’unir nos forces qui avaient ouvert la voie aux puissances coloniales dont la politique avait pour clé de voute cet adage : « diviser pour régner ». Le massacre de Peuls au Mali a d’ailleurs ramené à la mémoire de nombreux internautes la profession de foi d’un des plus zélés sabreurs de leur résistance qui affirmait que c’était un « devoir national (…), urgent et impératif pour la présence (française) en Afrique de réussir à les diviser et leur opposer les autres ethnies ». Faidherbe, car il s’agit évidemment de lui, dont des édifices, des rues et places portent encore le nom dans notre pays, peut se réjouir depuis sa tombe, lui qui avait déjà réussi son pari au Sénégal puisque le Fouta est, de toute l’Afrique noire au sud du Sahara, pratiquement la seule entité politique pré-coloniale qu’un fleuve a partagée entre deux territoires, devenus deux Etats différents, alors que partout ailleurs le morcellement s’est effectué d’amont en aval des fleuves, comme ce fut le cas le long du Niger ou du Zambèze…
Bien après la traite négrière et après le partage colonial, il y’eut après les indépendances d’autres querelles intestines, douloureuses et absurdes, jusqu’au génocide des Tutsis. Cette fois, même si la main étrangère n’était jamais absente, c’était comme on dirait en lingala « bisso na bisso », c’était en nous et par nous, et nous avons démontré que nous étions capables du pire. Mais en réalité, sans avoir l’ampleur de la tragédie rwandaise, partout en Afrique, les rapports entre les composantes nationales des Etats, créés il est vrai sur des bases artificielles, ont été tendus et conflictuels. Les paroles prononcées par Sékou Touré contre ses compatriotes peuls, à une époque qui heureusement ne connaissait pas les radios FM et surtout Internet, auraient pu engendrer une tragédie similaire à celle du Rwanda.
Ce qui vient de se passer au Mali était prévisible parce que dit un proverbe pulaar, le malheur s’en vient en battant sa queue dans tous les sens. Il y a dans ce pays des milliers de soldats et policiers déployés sous le drapeau des Nations-Unies, auxquels il faut ajouter quelques milliers de soldats français, tous armés et encadrés par les Etats du Nord, mais dont la cible prioritaire sinon exclusive est constituée par les « jihadistes ». Peu leur chaud donc les querelles domestiques qui ne menacent pas les intérêts des bailleurs, car leur priorité ce n’est pas la paix mais la sécurité. Nous avons tendance à oublier que les pays occidentaux qui nous proposent leur service cherchent d’abord à assurer leur propre sécurité et que nos ennemis ne sont pas forcément les leurs. Ni le gouvernement malien ni ses soutiens extérieurs n’ont accordé la place qu’elle méritait à la résurgence de querelles vieilles comme le monde, qui de tous temps et dans tous les pays ont opposé agriculteurs et pasteurs et qui se sont aggravées ici parce qu’on est en situation de rareté de terres. Ils ont vu la religion là où elle n’était pas toujours, ils ont trop rapidement considéré que les séditieux étaient l’émanation de tout un peuple, un peu comme en Europe on fait porter par la communauté musulmane les crimes commis par des individus qui se réclament d’elle, qu’elle ne reconnait pas et dont elle est d’ailleurs la principale victime. Ils ont enfin fermé les yeux sur l’existence d’une force dite d’auto-défense, en réalité une milice qui échappe au contrôle de l’Etat et qui si elle n’a pas reçu le droit de tuer a été instrumentalisée par le gouvernement et reçu la liberté de se déployer à sa guise. On semble oublier qu’avant le massacre du 23 mars, les communautés peules avaient subi 58 attaques en 2018 qui ont fait 195 morts et qu’au début de 2019 une seule attaque avait fait près de quarante morts.
Nous sommes tous un peu morts à Ogossagou, parce que cette tuerie signe une fois encore l’échec de ce que Senghor appelait notre « commun vouloir de vie commune », parce qu’elle est à notre image et que ses auteurs ont blasphémé le costume qu’ils ont porté pour cette macabre expédition qui n’a rien d’héroique. Ce sont des pauvres qui ont tué des pauvres, avec une logique de pauvres d’esprit. C’est une tuerie bête parce qu’elle ne règle rien, gratuite parce qu’elle ne fait pas de quartier, cruelle parce qu’elle s’est faite avec des méthodes d’un autre âge. Elle est monstrueuse par sa dimension puisqu’elle représente en nombre de victimes, la plus importante tuerie de masse terroriste de ces dix dernières années.
Il y a quatre ans des dirigeants africains avaient rendu hommage aux douze victimes de Charlie Hebdo aux côtés de plusieurs de leurs homologues occidentaux. Les quelque 160 hommes femmes et enfants exécutés encore plus sommairement au Mali n’ont arraché à ces derniers que quelques mots de compassion et aucun n’a crié « Je suis Ogossagou ! ». A Paris, la manifestation devant l’ambassade du Mali a été dispersée par des lacrymogènes. Celle, plus sereine, qui quelques jours auparavant s‘était tenue à Bruxelles, était très majoritairement une marche d’Africains et aucun homme politique européen d’envergure n’était dans le cortège. Pourquoi d’ailleurs feraient-ils du zèle puisque ni l’Union Africaine, ni la CEDEAO, ni l’UEMOA n’ont mis en branle leurs structures chargées de veiller à la sécurité de leurs citoyens et que leurs dirigeants s’en sont tenus à des déclarations de circonstance ?
Il reste enfin le paradoxe du Sénégal. Si des centaines de personnes, et pas seulement des Peuls, ont défilé à Nouakchott, dans notre pays, gouvernants, institutions humanitaires, partis et syndicats, organisations régionales se sont contentés du service minimum. Plus étonnant encore, les populations de langue ou de culture peules, qui représentent pourtant la deuxième composante sociologique du pays et dont on pensait qu’elles seraient le fer de lance des mouvements de soutien, ont brillé par leur absence, celle de leurs élites et de leurs représentants. Peut-être parce qu’au Sénégal, comme désormais partout ailleurs dans le monde, il est devenu de plus en plus impopulaire de défendre sa langue, sa culture, sa croyance ou ses origines !

TRUMP, BOLSONARO, NETANYAHOU… ET LES AUTRES



NB : Texte publié dans « Sud Quotidien » du 26 mars 2019

Dis-moi qui tu hantes, je te dirais qui tu es !
Les Israéliens qui rêvaient d’une nation exemplaire, démocratique, respectueuse des droits de l’homme, soucieuse de justice et d’équité, ni oppressive ni populiste et surtout fondamentalement antiraciste, sont probablement les plus déçus par le comportement, les amitiés, les choix politiques et les compromissions de celui qui est leur indéracinable Premier Ministre depuis dix ans…
Mis au ban la Communauté internationale - (et pour une fois, c’est le cas puisque les dernières condamnations du gouvernement israélien prononcées par l’Assemblée générale des Nations-Unies n’ont été formellement désapprouvées que par les Etats-Unis, par un ou deux pays d’Europe ou d’Amérique centrales et par quelques états de la Micronésie, soit au total les représentants de 300 millions d’habitants sur les quelque 7 milliards d’individus que compte le monde !) - Benyamin Netanyahou n’a trouvé d’autre recours que de conclure des amitiés préjudiciables à la réputation de son pays et qui trahissent même les principes sur lesquels était fondée sa création. Tous les complots commençant par des pactes, celui imaginé par le Premier Ministre israélien est d’une incroyable audace puisqu’il a été tissé avec des républiques d’Europe centrale qui avaient été au cœur de l’extermination des Juifs pendant la Deuxième guerre mondiale. On n’efface pas l’histoire d’un trait de plume et le sommet de ce pacte dit du groupe de Višegrad qui devait se tenir à Jérusalem a capoté à cause d’une bourde du tout nouveau ministre israélien des affaires étrangères qui avait repris à son compte les propos d’un de ses prédécesseurs selon lesquels les Polonais « tètent (l’antisémitisme) avec le lait de leur mère ! ». Comme le conclut un journaliste, entre Israël et ces pays, « la Shoah ne sera jamais un simple chapitre historique ».
Le promoteur d’une démocratie illibérale
L’âme de cette alliance hors nature entre l’Etat hébreu et ce qu’on pourrait appeler l’Internationale populiste européenne est le premier ministre hongrois, Viktor Orban. Non content d’avoir réinstallé chez lui un régime du parti unique dont les Hongrois avaient eu tant de mal à se défaire, celui-ci a fait de son pays le laboratoire de la guerre entre le peuple et les élites qui se répand dans le monde comme une trainée de poudre. Il prêche pour une Hongrie « hongroise », une Hongrie pure (cela ne vous rappelle rien ?), avec zéro immigré et zéro réfugié, il a fait d’ailleurs de l’immigration une chance politique en faisant passer ses compatriotes pour une communauté menacée par ses voisins et par l’extérieur. Il n’y avait plus qu’un pas franchir et il l’a fait, comblant d’aise Netanyahou, en faisant de l’Islam son bouc émissaire, en appelant à l’arrêt d’une invasion musulmane qui mettrait en péril les fondements chrétiens de l’Europe. Mais Orban ne se sert pas que de l’immigration, et dans ses attaques répétées contre le milliardaire et philanthrope George Soros, il se sert de Netanyahou pour faire de l’antisémitisme, comme Nadine Morano se servait de son « amie noire », tchadienne, pour prouver qu’elle n’est pas raciste. Pour lui les Hongrois sont des victimes de l’holocauste, au même titre que les Juifs, alors que selon le président de l’Université d’Europe centrale, qu’il a expulsée de Budapest, le génocide opéré en Hongrie est « le plus rapide de l’histoire ».
Le Trump des tropiques
Les autres grands amis de Netanyahou sont du même acabit et si tous ont en commun d’être profondément islamophobes, chacun d’eux est d’une certaine manière le genre d’homme politique dont la compagnie déshonore Israél.Il n’est pas besoin d’insister sur Trump dont les frasques débordent sur les tweets, il suffit de rappeler que selon un des hommes qui a été son proche conseiller pendant dix ans, son ex. avocat Michael Cohen, il est « escroc, raciste et tricheur ». Il a servi de référence au monstre qui, il y a quelques jours en Nouvelle Zélande, a exécuté de sang-froid cinquante musulmans en prière et filmé son forfait et pour lequel il est le « symbole du renouveau de la suprématie blanche ». Trump d’ailleurs ne le renie pas puisqu’il estime que celle-ci n’est «  pas vraiment » une menace croissante…
Enfin Netanyahou compte depuis peu un autre grand ami tout aussi flamboyant et vulgaire, qui a déjà comblé ses vœux en annonçant le transfert de l’ambassade de son pays de Tel-Aviv à Jérusalem, et la fermeture de celle de la Palestine au Brésil. Il s’agit évidemment du nouveau président brésilien, Jair Bolsonaro, un nostalgique des dictatures militaires, sexiste, ordurier misogyne, climato-sceptique. Outre les musulmans, il a dans sa ligne de mire les Noirs, les peuples autochtones, les membres du mouvement Paysans sans terres, les ONG, les défenseurs de l’environnement, les journalistes et la laïcité. Il est partisan de la peine de mort, du port d’armes, du recours à la torture, il veut supprimer les aides sociales, faire stériliser de force les plus pauvres et les handicapés, et il a un slogan qui fait référence à l’hymne nazi…
Tout Bolsonaro aurait dû déplaire à Israël parce que tout Bolsonaro est à l’opposé des engagements souscrits pas ses fondateurs de rester « attachés aux principes de liberté, d’égalité et de tolérance pour tous, sans considération de leurs religion, conviction, race, sexe ou culture ». Les dirigeants des puissances occidentales, et tout dernièrement Emmanuel Macron, nous reprochent souvent de commercer, au sens large, avec la Chine, au motif que celle-ci serait peu soucieuse du respect des droits de l’homme. Nos dirigeants devraient avoir le courage de les interroger sur les raisons, sentiment de culpabilité mis à part, qui les poussent à prendre systématiquement le parti d’un gouvernement qui en 2018 a adopté une Loi fondamentale contraire au droit international, qui remet en cause le principe d’égalité entre les différentes composantes de son pays et a transformé les Arabes d’Israël en citoyens de seconde classe, et qui est l’un des derniers au monde à pratiquer l’apartheid comme l’a montré récemment l’ouverture à Jérusalem de ce qu’on a appelé « l’autoroute de la honte » ! Les amis d’Israël, ce ne sont plus les gouvernements des démocraties avancées du nord de l’Europe, ils ne sont pas à Stockholm ou à Helsinki, les amis de Netanyahou, ce sont Trump et ses versions tropicalisées, ils sont à Brasilia mais aussi à Ndjamena ou à Lomé !
Il y a vingt-cinq ans, Yitzhak Rabin donnait d’Israël l’image d’un pays soucieux de tisser des relations pacifiques avec les Palestiniens et prêt à leur reconnaitre le droit de disposer d’eux-mêmes. Aujourd’hui, son pays ne se sert plus que de la force brutale de son armée pour imposer sa loi, et comme l’avait écrit Primo Levi, le monde doit se méfier « de ceux qui cherchent à nous convaincre par d’autres voix que celle de la raison… ».