NB : Texte publié dans « Sud Quotidien » du
26 mars 2019
Dis-moi qui tu hantes, je
te dirais qui tu es !
Les Israéliens qui rêvaient d’une
nation exemplaire, démocratique, respectueuse des droits de l’homme, soucieuse
de justice et d’équité, ni oppressive ni populiste et surtout fondamentalement
antiraciste, sont probablement les plus déçus par le comportement, les amitiés,
les choix politiques et les compromissions de celui qui est leur indéracinable
Premier Ministre depuis dix ans…
Mis au ban la Communauté internationale
- (et pour une fois, c’est le cas puisque les dernières condamnations du
gouvernement israélien prononcées par l’Assemblée générale des Nations-Unies
n’ont été formellement désapprouvées que par les Etats-Unis, par un ou deux
pays d’Europe ou d’Amérique centrales et par quelques états de la Micronésie,
soit au total les représentants de 300 millions d’habitants sur les quelque 7
milliards d’individus que compte le monde !) - Benyamin Netanyahou n’a
trouvé d’autre recours que de conclure des amitiés préjudiciables à la
réputation de son pays et qui trahissent même les principes sur lesquels était
fondée sa création. Tous les complots commençant par des pactes, celui imaginé
par le Premier Ministre israélien est d’une incroyable audace puisqu’il a été
tissé avec des républiques d’Europe centrale qui avaient été au cœur de
l’extermination des Juifs pendant la Deuxième guerre mondiale. On n’efface pas
l’histoire d’un trait de plume et le sommet de ce pacte dit du groupe de
Višegrad qui devait se tenir à Jérusalem a capoté à cause d’une bourde du tout
nouveau ministre israélien des affaires étrangères qui avait repris à son
compte les propos d’un de ses prédécesseurs selon lesquels les Polonais « tètent (l’antisémitisme) avec le
lait de leur mère ! ». Comme le conclut un journaliste,
entre Israël et ces pays, « la Shoah
ne sera jamais un simple chapitre historique ».
Le promoteur d’une démocratie illibérale
L’âme de cette alliance hors
nature entre l’Etat hébreu et ce qu’on pourrait appeler l’Internationale
populiste européenne est le premier ministre hongrois, Viktor Orban. Non
content d’avoir réinstallé chez lui un régime du parti unique dont les Hongrois
avaient eu tant de mal à se défaire, celui-ci a fait de son pays le laboratoire
de la guerre entre le peuple et les élites qui se répand dans le monde comme
une trainée de poudre. Il prêche pour une Hongrie « hongroise », une
Hongrie pure (cela ne vous rappelle rien ?), avec zéro immigré et zéro réfugié,
il a fait d’ailleurs de l’immigration une chance politique en faisant passer
ses compatriotes pour une communauté menacée par ses voisins et par l’extérieur.
Il n’y avait plus qu’un pas franchir et il l’a fait, comblant d’aise
Netanyahou, en faisant de l’Islam son bouc émissaire, en appelant à l’arrêt
d’une invasion musulmane qui mettrait en péril les fondements chrétiens de l’Europe.
Mais Orban ne se sert pas que de l’immigration, et dans ses attaques répétées
contre le milliardaire et philanthrope George Soros, il se sert de Netanyahou
pour faire de l’antisémitisme, comme Nadine Morano se servait de son
« amie noire », tchadienne, pour prouver qu’elle n’est pas raciste.
Pour lui les Hongrois sont des victimes de l’holocauste, au même titre que les
Juifs, alors que selon le président de l’Université d’Europe centrale, qu’il a
expulsée de Budapest, le génocide opéré en Hongrie est « le plus rapide de l’histoire ».
Le Trump des tropiques
Les autres grands amis de
Netanyahou sont du même acabit et si tous ont en commun d’être profondément
islamophobes, chacun d’eux est d’une certaine manière le genre d’homme
politique dont la compagnie déshonore Israél.Il n’est pas besoin d’insister sur
Trump dont les frasques débordent sur les tweets, il suffit de rappeler que
selon un des hommes qui a été son proche conseiller pendant dix ans, son ex. avocat
Michael Cohen, il est « escroc, raciste et tricheur ». Il a servi de référence au monstre qui, il y a
quelques jours en Nouvelle Zélande, a exécuté de sang-froid cinquante musulmans
en prière et filmé son forfait et pour lequel il est le « symbole du renouveau de la suprématie
blanche ». Trump d’ailleurs ne le renie pas puisqu’il estime que
celle-ci n’est « pas vraiment » une menace croissante…
Enfin Netanyahou compte depuis peu
un autre grand ami tout aussi flamboyant et vulgaire, qui a déjà comblé ses
vœux en annonçant le transfert de l’ambassade de son pays de Tel-Aviv à
Jérusalem, et la fermeture de celle de la Palestine au Brésil. Il s’agit
évidemment du nouveau président brésilien, Jair Bolsonaro, un nostalgique des
dictatures militaires, sexiste, ordurier misogyne, climato-sceptique. Outre les
musulmans, il a dans sa ligne de mire les Noirs, les peuples autochtones, les
membres du mouvement Paysans sans terres,
les ONG, les défenseurs de l’environnement, les journalistes et la laïcité. Il
est partisan de la peine de mort, du port d’armes, du recours à la torture, il
veut supprimer les aides sociales, faire stériliser de force les plus pauvres
et les handicapés, et il a un slogan qui fait référence à l’hymne nazi…
Tout Bolsonaro aurait dû déplaire
à Israël parce que tout Bolsonaro est à l’opposé des engagements souscrits pas
ses fondateurs de rester « attachés
aux principes de liberté, d’égalité et de tolérance pour tous, sans
considération de leurs religion, conviction, race, sexe ou culture ». Les
dirigeants des puissances occidentales, et tout dernièrement Emmanuel Macron,
nous reprochent souvent de commercer, au sens large, avec la Chine, au motif
que celle-ci serait peu soucieuse du respect des droits de l’homme. Nos dirigeants
devraient avoir le courage de les interroger sur les raisons, sentiment de
culpabilité mis à part, qui les poussent à prendre systématiquement le parti
d’un gouvernement qui en 2018 a adopté une Loi fondamentale contraire au droit
international, qui remet en cause le principe d’égalité entre les différentes
composantes de son pays et a transformé les Arabes d’Israël en citoyens de
seconde classe, et qui est l’un des derniers au monde à pratiquer l’apartheid
comme l’a montré récemment l’ouverture à Jérusalem de ce qu’on a appelé « l’autoroute
de la honte » ! Les amis d’Israël, ce ne sont plus les gouvernements
des démocraties avancées du nord de l’Europe, ils ne sont pas à Stockholm ou à Helsinki,
les amis de Netanyahou, ce sont Trump et ses versions tropicalisées, ils sont à
Brasilia mais aussi à Ndjamena ou à Lomé !
Il y a vingt-cinq ans, Yitzhak
Rabin donnait d’Israël l’image d’un pays soucieux de tisser des relations
pacifiques avec les Palestiniens et prêt à leur reconnaitre le droit de disposer
d’eux-mêmes. Aujourd’hui, son pays ne se sert plus que de la force brutale de
son armée pour imposer sa loi, et comme l’avait écrit Primo Levi, le monde doit
se méfier « de ceux qui cherchent à
nous convaincre par d’autres voix que celle de la raison… ».
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