Je suis historien et géographe de formation. J'ai été enseignant-formateur à l’Ecole Normale Supérieure (ENS) de Dakar, puis en charge de différentes structures et directions administratives. A la retraite depuis plusieurs années, je profite de ma liberté recouvrée pour assouvir une vieille passion : écrire. Ces dernières années, j’ai publié deux romans («Mon villages au temps des blancs » en 2000 et «La Raparille» en 2010) ainsi que trois essais (« A mes chers parents gaulois » en 2007 ; "Wade Mecum ou le wadisme en 15 mots" en 2010; "Le temps des choses jamais vues : chronique des années Wade-Sarkozy", 2013). Je publie régulièrement des chroniques dans divers journaux sénégalais (en particulier « Nouvel Horizon » et "Sud Quotidien").

lundi 16 décembre 2019

ET SI ON PARLAIT (UN PEU) DES MUSULMANS ?




NB : Texte publié dans « Sud Quotidien » du 03 décembre 2019

                 
Il ne se passe guère de jour sans qu’un homme politique ou un média, toutes obédiences et tous courants confondus, ne fustigent les pernicieuses entreprises de ceux qu’ils désignent sous l’infâme néologisme « d’islamistes ». C’est en effet le terme jugé politiquement correct par lequel on nomme les extrémistes musulmans, mais c’est un choix contestable parce que dans « islamistes » il y a « Islam » et comme il n’existe pas de terme correspondant pour définir les « bons » musulmans, cette confusion est souvent l’occasion de mettre tous les musulmans dans le même sac et d’offrir une tribune à tous ceux qui veulent les dénigrer, comme les mouvements dits « Ex-muslims » animés par des hommes et des femmes qui ont renié leur foi musulmane.

Par ailleurs, si « islamistes » désigne les « mauvais » musulmans, il faudrait alors inclure sous cette appellation tous ceux qui refusent l’invite à faire de l’Islam « une religion du juste milieu », et parmi ceux-ci les maîtres coraniques qui torturent leurs élèves ou les « marabouts » qui subornent leurs disciples et les conduisent non vers la lumière, mais vers l’obscurantisme et l’asservissement… Quoiqu’il en soit, le succès de l’expression « islamiste » qui désigne au mieux quelques milliers de femmes et surtout d’hommes, a fini par faire oublier qu’il existe un milliard d’hommes et de femmes qui se prévalent d’appartenir à l’Islam, qui ne posent pas de bombes, ne sont pas forcément accros de la barbe ou de la burka, et qui dans leur grande majorité, veulent vivre leur foi sans excès ni violence, dans le respect de l’autre, en conformité avec les lois qui les gouvernent et les principes des droits humains. On oublie que ces musulmans « ordinaires « sont en réalité les victimes principales de la folie des « islamistes » et que c’est en milliers de morts que se comptent les pertes humaines que ceux-ci produisent en leur sein. Au nord du Nigéria, et pour la seule année 2014, les attentats de l’un de leurs plus violents mouvements ont fait des centaines de morts à Borno (200 morts), à Jos (118 morts), à Kano (120 morts) etc. Au Pakistan, des attentats « islamistes » ont visé les lieux les plus sacrés : écoles, universités, centres de santé, mosquées, etc. En Somalie, un seul attentat a fait 358 morts et des centaines de blessés ! Enfin ils sont des milliers de musulmans à avoir trouvé la mort dans des attentats « islamistes » en Irak, en Afghanistan, en Egypte, en Indonésie, en Syrie etc.

La chine, seul État a incarcérer un million de personnes !

On oublie surtout que les musulmans ne sont pas victimes des exactions des seuls « islamistes » et que dans de nombreux pays du monde, ils sont ostracisés ou subissent des sévices comme on n’en a jamais connus depuis la deuxième guerre mondiale. Quel pays aujourd’hui oserait aujourd’hui traiter ses minorités comme sont traitées les minorités musulmanes en Chine, en Inde, en Birmanie ou en Israël ? Les démocraties occidentales font soudain semblant de découvrir que les Ouighours, communauté turcophone de confession musulmane qui peuple le Xinjiang, sont l’objet de graves sévices de la part des autorités de Pékin. Il a fallu la publication de centaines de documents internes du Parti communiste chinois par le New York Times, il a fallu que 17 grands journaux du monde fuitent des instructions officielles du gouvernement chinois pour qu’elles s’émeuvent du sort des Ouighours. En Chine un million de personnes appartenant à cette ethnie, soit un dixième de la population totale, sont détenues dans de véritables camps de concentration appelés pudiquement « centres de formation professionnelle », ce qui fait de ce pays le seul au monde où l’on maintient en prison une population aussi importante. Ces prisonniers font l’objet d’une détention « calculée, coercitive et extra-judiciaire » et sont soumis à une vidéosurveillance dans tous les actes de leur vie. Le président Xi Jinping s’est engagé à être « sans pitié » à leur égard, à extirper l’Islam de la Chine, à contrôler toute la population ouighour au point de soulever des résistances au sein même des agents d’exécution de sa politique… L’Inde est aujourd’hui, au XXIe siècle, le seul pays au monde avec Israël à pratiquer l’apartheid et à traiter de citoyens de second ordre une partie de sa population. Le Premier Ministre Narendra Modi a renié les principes fondateurs de la nation indienne, repris à son compte les thèses des nationalistes extrémistes hindouistes qui diabolisent toutes les minorités, jugées non indiennes et les accusent d’être responsables des malheurs du pays. La plus importante de ces minorités est constituée par les musulmans, traités de « termites », soumis à des lynchages et à des campagnes de haine, entre autres sévices. Ils représentent pourtant une population de 172 millions de personnes, ce qui en fait la troisième communauté musulmane du monde. Leur ostracisation s’est traduite récemment par la déchéance de la nationalité indienne de 2 millions de musulmans de l’Assam, condamnés à devenir des apatrides ou à la déportation, et par l’autorisation, accordée par la Cour Suprême et approuvée par le Premier Ministre, de reconstruire un temple hindou sur le site où la destruction d’une mosquée avait fait 2000 morts en 1992 !

Un prix Nobel accuse de crime contre l’humanité !

Quant à la minorité musulmane de Birmanie, elle est considérée par les Nations-Unies comme « la plus persécutée du monde ». Le gouvernement dénie la citoyenneté birmane aux Rohingyas qui sont pourtant présents sur le territoire depuis le VIIe siècle. Il interdit même qu’on les appelle autrement que « Bengalis » pour affirmer leur origine étrangère, au point que le pape François, en visite dans le pays, s’est abstenu de prononcer le terme Rohingyas. Les autorités birmanes appuyées par une campagne de haine menée par internet, ont contraint à l’exil près de 700.000 personnes, au moyen d’opérations de répression menées par l’armée. Elles ont, toujours selon les Nations-Unies, renforcé leur « intention génocidaire » contre celles qui demeurent encore sur le territoire birman, au point que des voix s’élèvent pour exiger que ses responsables soient traduits devant la Cour Pénale Internationale. Parmi eux, le chef de gouvernement de facto, Aung San Suu Kyi, Prix Nobel de la paix ! On pourrait poursuivre cette énumération et citer le sort fait par le gouvernement Netanyahou aux Palestiniens de toutes confessions, en Cisjordanie où ils sont sous occupation militaire, en Israël où ils sont victimes d’un véritable apartheid. On pourrait citer les mesures discriminatoires prises par Donald Trump qui interdit l’accès du territoire américain aux ressortissants de plusieurs pays parce qu’il s’agit de pays musulmans.

On pourrait souligner qu’aujourd’hui en France et dans bien d’autres pays européens, un musulman risque sa vie s’il prononce la formule « Allaahu Akbar », assimilée désormais à un appel au meurtre, alors qu’elle signifie « Dieu est grand » et que c’est elle qui ouvre toutes les prières de tous les membres de la Umma islamique… On ne peut pas exclure l’idée que ce sont toutes ces injustices accumulées, toutes ces violences non sanctionnées, ces sources de frustration du monde musulman qui sont le fait de gouvernements membres des Nations-Unies, qui poussent quelques illuminés à recourir à des actes de barbarie contre ceux qui à leurs yeux en sont les responsables ou les complices. Malheureusement leur solution n’est pas la bonne et par leurs actes ils s’excluent en fait d’une communauté dont le Livre Saint proclame que l’être humain est chose sacrée et que « celui qui a tué un innocent est considéré comme avoir tué tous les hommes ! » (Coran V, 32).

1 commentaire:

DESCAMPS Cyr a dit…

Allahu akbar se traduit en français par Allah est le plus grand et non Allah est grand.
Merci de rectifier !