NB : Texte publié dans "Sud-Quotidien" du 11 juin 2018
Il a fallu que Donald Trump soit au pouvoir pour que
les dirigeants européens découvrent enfin l’inconfort que provoque la loi
qu’eux-mêmes nous font subir depuis des décennies et que Jean de La Fontaine a
énoncé comme suit : « la raison du plus fort est toujours la meilleure ! ».
Donald Trump n’a avancé aucun argument fondé sur des
connaissances scientifiques ou sur les découvertes les plus récentes relatives
à la préservation de notre environnement pour se retirer de l’Accord de Paris. C’était
pourtant le premier accord universel sur le climat, il a pour dépositaire le
Secrétaire Général des Nations-Unies, a été signé dans la ferveur et l’émotion
le 12 décembre 2015 et a été approuvé par 196 des 197 pays que compte le monde.
Le président américain est allé à l’encontre des
conclusions de l’Agence Internationale de l’énergie atomique, seul organisme
international indépendant qualifié pour
certifier si l’Iran se conforme à l’accord de non-prolifération nucléaire signé
à Vienne le 14 juillet 2015, après de longues années de négociations entre ce
pays et une coalition d’États composée des membres du Conseil de Sécurité et de
l’Allemagne.
Enfin, mais cette liste n’est pas exhaustive, Donald
Trump viole les règles de l’Organisation mondiale du commerce, dont son pays est membre
fondateur, en décidant unilatéralement d’appliquer des taxes massives à des
produits et vers des pays choisis à sa convenance.
A
mon bon plaisir !
Le président américain
n’a qu’une seule règle, son bon vouloir, qu’une seule ambition, tenir
les promesses qu’il a faites à ses électeurs ! Tout autre pays que le sien qui
se serait permis de prendre ces décisions illégales et dangereuses pour la paix
serait traduit au ban du tribunal de la « communauté internationale » et
sanctionné sans état d’âme. Pourtant, malgré son poids économique et
démographique et sa prétention à être le gendarme du monde, l’Europe n’a pris
aucune mesure visant à boycotter les
entreprises américaines qui, en violant l’Accord de Paris, mettent en
péril la survie de notre planète, menacent la promotion d’un développement
durable et précipitent dans la faim une partie du monde. Elle accepte sans
broncher que, non contents de punir injustement l’Iran, les États-Unis décident
de sanctionner toutes les entreprises qui utilisent le dollar dans leurs
transactions avec ce pays. Lorsqu’ils taxent l’acier et l’aluminium européens,
l’Europe riposte en taxant leur… bourbon
! La débandade d’une société comme Peugeot est pathétique et significative
puisque, face à la menace américaine, l’entreprise française abandonne son
premier marché international, le seul où elle écoulait plus d’un demi-million
de voitures, alors que l’Iran respecte tous ses engagements. Dire qu’on
s’étouffe en France lorsqu’une société qui emploie quelques centaines de
personnes décide de délocaliser son usine dans un pays de l’est ou du sud !
En réalité Trump fait peu cas des émois que ses
décisions suscitent chez les dirigeants
européens, et leur manifeste la même désinvolture que celle qu’ils ont l’habitude
de témoigner à l’endroit de leurs homologues africains. Il méprise leur
diplomatie compassée et leur impose un langage abrupt qui les blesse ou les
déconcerte, comme Sarkozy l’avait fait à Dakar ou à Bamako. Il accorde plus
d’importance à sa rencontre avec le président de la Corée du Nord qui,
pense-t-il peut lui apporter la gloire, qu’à la réunion de douaniers qui se
tient au Canada. A ce sommet qui réunit les pays les plus riches, il s’est comporté donc comme se comportaient les
présidents français aux sommets de la Francophonie : il est le dernier à se
présenter, le premier à partir et quand il vient, c’est avec un retard
considérable. Nous gardons encore en mémoire le calvaire vécu au sommet de
l’OIF à Kinshasa par l’hôte de la rencontre, Joseph Kabila et par Abdou Diouf,
Secrétaire Général, qui ont dû attendre debout, deux heures durant, que
François Hollande daigne se présenter au Palais du Peuple pour ouvrir la
séance.
Jupiter
en France, mouche du coche à Washington !
Alors ne nous trompons pas, Macron peut faire la
bouche en cœur, mais il n’impressionne
nullement le président américain, il est peut-être Jupiter en France,
mais aux yeux de Trump il n’est que la mouche du coche. Cela se traduit d’abord
dans la forme de leurs rapports. Trump avait bien convié en visite d’État le
président français qui s’est précipité à Washington comme nos présidents à
Paris, il avait laissé à son chef du protocole le soin de l’accueillir à
l’aéroport, puis l’avait exposé au Bureau Ovale, comme les présidents africains
sont exposés sur le perron de l’Élysée, avec force accolades. Il a même fait
mieux en matière d’amabilité ostentatoire que ses homologues français en
essuyant les pellicules sur la veste d’Emmanuel Macron, mais les spécialistes
nous apprennent que c’est un comportement naturel chez les primates. Lorsque chez
les gorilles, le mâle dominant cueille des poux sur l’épaule d’un membre de sa
tribu, c’est moins par affection que pour marquer sa condescendance ou exprimer
son sarcasme.
Sur le fond aussi, et peut-être surtout, la hiérarchie
est de mise. Le visiteur français croyait être venu pour un débat sur la
nécessité du multilatéralisme et avait ménagé son hôte en tenant un discours
plus incisif en français qu’en anglais. Le Premier Ministre canadien tentera la
même stratégie, avec le même insuccès. Recevant Macron, le président Trump,
avait, avant même que ne débutent les entretiens, martelé ses exigences,
indiqué qu’il n’y aurait pas de discussions et annoncé la conclusion. C’est le
sort que vivent souvent les présidents africains qui croient être venus pour
négocier un dossier et se voient remettre celui ficelé et finalisé par les
conseillers de leur hôte. Confronté à ses homologues, à La Malbaie, Trump a
voulu démontrer que ce sommet était celui du G 1+6, il est resté ferme sur ses
positions. Il est surtout resté fidèle à ce qui est sa marque de fabrique, la
goujaterie, puisqu’il n’a pas hésité à retirer sa signature (c’est devenu une
manie !) du communiqué qu’il avait signé avec eux quelques heures auparavant…
L’Europe est victime des deux tares qui accablent les
pays africains et sur lesquelles elle glose souvent : la dépendance et la
division. L’Union Européenne compte plus de 500 millions d’habitants, soit à
peu près 200 de plus que les États-Unis,
et elle a un PIB sensiblement équivalent, mais face aux menaces américaines, chacun de ses membres cherche à
tirer son épingle du jeu et à sauver ses meubles. Mais sa dépendance n’est pas
qu’économique ou financière puisqu’elle fait reposer sa sécurité sur les États-Unis,
qui financent les trois quarts du budget de l’OTAN. On peut dire que si la
protection du Mali est entre les mains de la France, qui peut donc imposer sa
loi aux dirigeants maliens, celle de l’Europe repose sur le bon vouloir des
Américains, avec les mêmes conséquences.
On peut ne pas se réjouir du malheur des autres mais,
c’est tout de même réconfortant de savoir que celui dont vous subissez la loi a
lui aussi un chef. Enfin, même s’il n’y a pas de quoi en être fier, nous pouvons
au moins faire le constat que la position agenouillée n’est pas le monopole des
Africains.
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