Je suis historien et géographe de formation. J'ai été enseignant-formateur à l’Ecole Normale Supérieure (ENS) de Dakar, puis en charge de différentes structures et directions administratives. A la retraite depuis plusieurs années, je profite de ma liberté recouvrée pour assouvir une vieille passion : écrire. Ces dernières années, j’ai publié deux romans («Mon villages au temps des blancs » en 2000 et «La Raparille» en 2010) ainsi que trois essais (« A mes chers parents gaulois » en 2007 ; "Wade Mecum ou le wadisme en 15 mots" en 2010; "Le temps des choses jamais vues : chronique des années Wade-Sarkozy", 2013). Je publie régulièrement des chroniques dans divers journaux sénégalais (en particulier « Nouvel Horizon » et "Sud Quotidien").

mardi 17 mars 2020

LE CORONAVIRUS AURA-T-IL LA PEAU DE DONALD TRUMP ?

NB : Texte publié dans Sud-Quotidien du 17 mars 2020

Ce n’est, bien sûr, qu’une boutade qu’il ne faut évidemment pas prendre à la lettre, elle est peut-être bête et méchante, mais une chose est sûre : le virus venu de Chine n’arrange pas les affaires de l’homme à la moumoute rousse et pourrait même jouer le rôle d’un morbide deux ex machina susceptible de bousculer le rapport des forces entre lui et le candidat démocrate !
Donald Trump a l’habitude d’affubler ses adversaires de surnoms à son image, souvent plus vulgaires que spirituels, traitant de « Crazy Nancy » la présidente de la Chambre des Représentants, ou surnommant Pocahontas l’ancienne candidate à la candidature démocrate, Elisabeth Warren, mais avec le coronavirus, le plus dangereux ennemi qui ait croisé sa route depuis trois ans, il ne trouve pas ses mots. Ce n’est pourtant pas faute d’avoir essayé et comme on ne change pas une arme à laquelle on doit ses victoires, il avait essayé la désinvolture, la dérision, la fanfaronnade, le mensonge et l’outrance.
Il a d’abord tenté de minimiser les effets du virus, sur la population comme sur l’économie, mais en multipliant les rencontres et en continuant à serrer des mains, dont celles d’élus qui ont été ensuite placés en quarantaine préventive, il a  plutôt donné l’impression de manquer de sens de responsabilité. Même sur un sujet aussi grave, il n’a pas su résister  aux dérapages verbaux, prétendant, entre autres farces de mauvais goût, qu’on peut guérir du virus « en s’asseyant » ou en allant au travail, mais  il n’a fait rire personne en prétendant qu’il n’a pas touché son visage « depuis des semaines ».
Comme à son habitude encore, il a contesté les prévisions des scientifiques pour se référer à sa propre intuition et sans expliquer comment il était arrivé à ces résultats, il a prétendu que contrairement aux estimations des plus grands chercheurs, le taux de létalité du virus était de 1% au lieu de 3,4%. Comme il n’est pas à un paradoxe près, il a flatté les médecins américains, qui, malgré leur savoir, seraient selon lui tombés en pamoison devant ses connaissances médicales, au point qu’il aurait regretté de n’avoir pas choisi une carrière de médecin plutôt que celles d’homme d’affaires ou de chef de la première puissance mondiale !
Il a, d’avance, dégagé toute responsabilité en se livrant à son exercice favori, le mensonge, et en tirant sur sa cible préférée, Barack Obama, accusant celui-ci, à tort évidemment, d’avoir tardé à proclamer l’urgence nationale lors du déclenchement de la grippe H1N1 en 2009, et d’avoir même à l’époque ralenti la production de tests…
Malheureusement pour lui, Trump a plus de ressources pour construire un mur entre son pays et le Mexique et stopper l’afflux de migrants que pour arrêter une épidémie. Le coronavirus, qu’il prenait pour une grippe saisonnière parmi d’autres, un fléau qui ne pouvait toucher que les dictatures et les pays pauvres, a donc fait son entrée sur le territoire américain et infecté déjà des milliers de personnes dans plusieurs dizaines d’Etats. Sa propagation a mis en lumière la fragilité du système sanitaire américain, le manque de tests, leur coût pour des patients dépourvus d’assurance maladie, ont mis à mal la politique menée depuis trois ans pour démanteler l’Obamacare. L’épidémie, si elle perdure, pourrait par ailleurs avoir des effets collatéraux sur la composition du corps électoral américain car le covid 19 infecterait prioritairement les personnes âgées, dont beaucoup pourraient hésiter à se rendre aux urnes, et le moins qu’on puisse dire c’est que Trump n’est pas le candidat favori de la jeunesse !
Mais le plus grave sans doute pour le président américain c’est que ce qu’il appelait grippe est devenu une pandémie qui menace l’embellie que connaissaient les Etats-Unis et pourrait infecter le bien être des Américains, alors que l’arme de séduction massive de Trump avait été jusque-là le dynamisme insufflé à l’économie de son pays et qu’il met à son seul compte.
Il a fallu le « lundi noir » et l’effondrement des places boursières américaines pour que Trump sorte de sa tour d’ivoire. Mais, s’il semble avoir enfin pris conscience du danger, s’il a mis en place un plan de relance de l’économie, s’il s’est décidé à proclamer l’état d’urgence nationale, il n’a pas pour autant changé de méthode ni même vraiment de discours. On l’a vu à nouveau perdre ses nerfs et retrouver ses expressions favorites en s’attaquant à la Banque Centrale américaine et à son chef qu’il traite de «  minables ». Si, pour la deuxième fois depuis son élection, il s’est adressé solennellement à ses concitoyens à partir du Salon ovale, il a, comme à son habitude, balancé entre l’autoglorification et la stigmatisation. Il a annoncé la fermeture du territoire américain aux ressortissants européens (et même aux marchandises semblait-t-il dire, avant de se rétracter, par tweete évidemment !), ce qui est en soi dans l’air du temps, mais cette mesure ne protège pas totalement la population américaine puisque les Etats-Unis sont l’un des pays les plus réfractaires aux tests et que  lui-même s’était refusé de s’y plier. C’est par ailleurs une décision qu’il a prise unilatéralement et sans concertation avec ceux qui sont pourtant ses principaux alliés  dans le monde, mais nous savons depuis la crise syrienne que Donald Trump n’est pas un ami fiable. Enfin, et comme de coutume, il a martelé que son pays, son système de santé, ses concitoyens, étaient les meilleurs du monde, en tout, que pour lui le covid 19 est un « virus étranger » inventé par la Chine et s’il ferme la porte de son pays aux Européens c’est que ce sont ceux-ci qui l’ont introduit aux Etats-Unis…
Quand un dirigeant politique est sur une pente glissante, c’est d’abord sur les visages et dans le comportement de ses amis qu’on en voit les signes annonciateurs et non sur ceux de ses adversaires. On en a encore eu la preuve à la lumière de deux décisions prises par l’un des plus fidèles alliés de Donald Trump, le tout puissant Mohammed ben Salmane dont le pays fut l’un des premiers à le recevoir après son élection. Le prince héritier saoudien a fait chuter le prix du baril de pétrole et même si la mesure visait en premier lieu la Russie, elle pénalise le pétrole américain à base de schiste, dont le coût d’exploitation est très élevé et qui devient peu compétitif. Il a par ailleurs  procédé à l’arrestation de plusieurs membres de la famille royale susceptibles de lui faire de l’ombre si Washington cessait d’être complaisant à son égard.
MBS n’a plus peur de froisser l’Amérique ? Il prend des précautions pour le cas où le pouvoir changerait de mains aux Etats-Unis ? Tout ça c’est un bon signe pour ceux qui espèrent que l’ère de Trump touche à sa fin !

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