NB :
Texte publié dans Sud-Quotidien du 13 juin 2014
Mérah, Nemmouche …et les autres !
Mehdi
Nemmouche, principal suspect de la tuerie de Bruxelles, avait été abandonné par
son père à l’âge de trois ans et a passé son enfance et son adolescence
ballotté de foyers en familles d’accueil. Il n’a jamais connu d’autorité
paternelle et sa première condamnation, pour vol avec violence, date de ses 19 ans.
Avant d’être accusé d’assassinat, il avait passé plusieurs années en détention,
connu plusieurs prisons françaises, et c’est en prison qu’il a rencontré la religion.
Il ne parle pas arabe et n’avait aucune pratique islamique avant ses vingt ans…
Mohamed
Merah aussi avait été abandonné par son père, à 5 ans, après le divorce de ses parents.
Le père avait été interpellé pour trafic de cocaïne, et c’est la mère, qui assurera,
seule, l’éducation et la survie des enfants. Merah bascule entre la délinquance
et l’oisiveté (même l’armée ne voudra pas de lui !) et, avant même sa
majorité, il a dans son casier judiciaire dix-huit (18) faits de violence.
Comme Nemmouche, c’est en prison qu’il fait la découverte du Coran et qu’il s’est
initié à la pratique religieuse. Si on le connait surtout pour sa descente sanglante dans une école
juive, il est rare en revanche qu’on souligne qu’avant ce forfait, il avait assassiné, de sang froid et en connaissance de
cause, trois militaires français qui, pour leur malheur, étaient tous les trois
d’origine maghrébine. Il n’en voulait donc pas qu’aux Juifs …
Abubakr
Shekan, dont le mouvement, Boko Haram, signe de monstrueux massacres de musulmans,
principalement, à travers le Nigéria, s’abrite plus souvent derrière des
gris-gris que derrière la parole de Dieu. Il est, nous dit-on, si souvent perdu
dans les brumes de l’alcool, qu’il croit encore que l’Angleterre est toujours
sous l’autorité de Margareth Thatcher.
Les
milices des Signataires par le
Sang de Mokhtar Bel Mokhtar qui ont écumé
le nord du Mali, exécuté ou assassiné des populations islamisées depuis des siècles,
se sont enrichies et armées par des moyens prohibés par l’Islam : la prise
d’otages, le trafic de stupéfiants…
Eliminer l’espace et le temps…
Qu’y
a-t-il de commun entre Merah, Nemmouche, les terroristes du nord-est du Nigéria
et du Sahel malien ? Le mal-vivre ? Un combat politique dévoyé et
devenu pervers ? Un penchant criminel irrépressible ? Une folie
meurtrière ? Nenni ! Rien de tout cela ! Ce qu’ils ont en commun,
c’est qu’ils sont tous des « islamistes »,
c’est en tout cas ce que clament les médias occidentaux et nous, comme les
moutons de Panurge, nous les suivons et empruntons la même expression. Pourtant
Nemmouche né aux confins de la Belgique, Mérah qui n’était presque jamais sorti
du pays toulousain, le chef kanouri issu des savanes nigérianes et les rebelles
arabes ou touaregs du Sahara appartiennent à des régions et à des cultures différentes,
ils ne partagent même pas la même conception ni la même intimité de l’Islam ! Qu’importe, car, comme l’avait écrit le
palestino-américain Edward Said, « quand
on parle de l’islam, on élimine plus ou
moins automatiquement l’espace et le
temps ». Qu’importe car pour
l’Occident tous les problèmes du monde musulman ne s’expliquent que par
l’Islam !
Mais
si Merah et les autres sont musulmans, ils ne sont pas appelés « islamiques », comme on le dit pour
qualifier la culture, les arts, voire la finance. Eux sont « islamistes » et la nuance est importante.
L’Islam est en effet la seule religion pour laquelle on ait inventé deux termes
différents pour désigner ceux qui se revendiquent de sa mouvance, selon la
nature de leur engagement et si l’on pourfend l’intégrisme religieux, on ne
voit que l’intégrisme musulman. Il existe pourtant des mouvements extrémistes
chrétiens ou juifs, mais aucun d’entre eux n’est désigné sous les noms de
« christianistes » ou
« juifistes » pour les
distinguer des pratiquants « orthodoxes ». On les désigne tout
simplement sous le terme de « sectes »
sans jamais insister sur leurs
fondements religieux, à peine reconnait-on les « sectes tueuses » et
des sectes plus folkloriques. Ainsi les Chrétiens n’ont pas à culpabiliser des dérives de Moon ou des
atrocités et des enrôlements d’enfants de l’Armée
de Résistance du Seigneur en Ouganda, ou des meurtres ou
suicides collectifs du Temple du Peuple (923 morts en Guyana) ou des Davidiens
(87 victimes à Waco). A l’inverse, les Musulmans sont sommés de s’excuser pour
les attentats commis par Aqmi
ou par quelques loups solitaires ! « Chaque fois qu’un attentat est
commis en France, observe en substance une Française « issue de la diversité », je prie pour que
l’auteur ne soit pas musulman… ».
Un racisme culturel ?
Le
terme « islamiste » serait-il
donc « une forme de reconversion du vieil racisme anti-arabe en racisme
culturel » ? On a tendance
à le croire lorsqu’on entend le directeur du Musée juif de Bruxelles affirmer,
alors même que l’identité du coupable n’est pas prouvée, qu’il ne sert à rien
de punir Nemmouche parce qu’il s’agit d’une guerre de civilisation ! En
somme la violence serait dans les gènes de l’Islam ! Cela facilite tous
les dénigrements et rend légitime le combat contre une religion jugée intemporelle et monolithique, permettant, par exemple,
au directeur d’un grand magazine français de proclamer, sans fioritures et sans
risque, qu’il est « un peu islamophobe » !
Ceux
que l’on appelle « islamistes »
ne seraient pourtant que quelques milliers de combattants reniés par 99% des Musulmans.
Aucune autorité religieuse musulmane, de Qom à Al Azar, de La Mecque à Fez,
aucun chef d’Etat de l’OCI (Organisation de la Conférence Islamique), ne leur
ont manifesté un soutien et du reste, l’islam condamne « ceux qui
émiettent leur religion et se
divisent en sectes » (Coran
vi, 159). Ils trahissent les principes parmi les plus sacrés de l’Islam et notamment,
le respect de la vie humaine (« Ne tuez
point la vie qu’Allah a rendue sacrée », Coran,
XVII, 33). Leur connaissance des idées qu’ils invoquent est superficielle ou
erronée : le « djihad »
est d’abord un combat intérieur et celui qu’ils mènent est dirigé contre des
populations islamisées depuis des siècles ; il n’y a pas une charia
unique, codifiée et celle qu’ils cultivent abime l’héritage musulman. Il ne
suffit pas de se revendiquer de l’Islam pour être musulman et, comme le
rappelle Al Ghazali, prier et jeuner par ostentation n’est aucunement piété
mais espèce d’idolâtrie du Moi. Par son étymologie même, Boko Haram – (qui
signifierait « l’école est
illicite ») – est à l’opposé de la Tradition puisque le Prophète (PSL)
enseignait qu’il faut aller chercher le savoir jusqu’en Chine !
Pourquoi
donc s’évertue–t-on à rattacher à l’Islam des hommes que les Musulmans, dans
leur écrasante majorité, ne reconnaissent pas comme frères en religion ! Plutôt
que de stigmatiser toute l’Umma islamique,
pourquoi ne pas, solidairement, lutter contre ceux qui ternissent non l’image
d’une religion, mais celle de l’homme ? Ceux qui lancent des bombes dans
des foules pacifiques, ceux qui violent des femmes et des enfants, ceux qui
enlèvent, enchainent et vendent d’innocentes jeunes filles, ceux qui sèment la
détresse et la misère au sein de leurs communautés ne méritent pas d’être
nommés en référence à l’Islam, même pas par le néologisme contesté d’ « islamistes ». Tous ceux là ne devraient avoir droit qu’à un nom :
celui de salauds !
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