Je suis historien et géographe de formation. J'ai été enseignant-formateur à l’Ecole Normale Supérieure (ENS) de Dakar, puis en charge de différentes structures et directions administratives. A la retraite depuis plusieurs années, je profite de ma liberté recouvrée pour assouvir une vieille passion : écrire. Ces dernières années, j’ai publié deux romans («Mon villages au temps des blancs » en 2000 et «La Raparille» en 2010) ainsi que trois essais (« A mes chers parents gaulois » en 2007 ; "Wade Mecum ou le wadisme en 15 mots" en 2010; "Le temps des choses jamais vues : chronique des années Wade-Sarkozy", 2013). Je publie régulièrement des chroniques dans divers journaux sénégalais (en particulier « Nouvel Horizon » et "Sud Quotidien").

jeudi 17 juillet 2014

MATCH TRAGIQUE : ISRAEL 160, GAZA 0 !

NB : Texte publié dans "Sud Quotidien" du 14 juillet 2014

Le match Brésil-Allemagne parait dérisoire face à celui qui se déroule devant l’opinion internationale, toujours impuissante quand il s’agit de l’Etat juif. C’est un match tragique : on n’y marque pas de buts, on verse du sang, on tue des hommes, de préférence des civils, et à ce jeu là, Israël est toujours gagnant. Au dernier score, il a fait plus de 160 morts au sein de la population gazaouie, et ce n’est pas fini puisque selon le ministre israélien des affaires étrangères, on n’est qu’au début du processus !

Depuis cinquante ans, l’Etat d’Israël se permet des gestes et des actes qu’on ne tolérerait pour aucune nation, et d’abord celui d’annexer un territoire conquis militairement, de s’emparer de ses terres, d’y installer des colons, de confisquer le produit du travail de ses habitants. Depuis qu’il est membre des Nations-Unies, Israël est le pays qui a le plus souvent bafoué les résolutions de son Assemblée Générale, et c’est aussi le pays qui a renié le plus fréquemment les engagements internationaux auxquels il avait souscrits ! C’est le seul gouvernement qui pratique l’assassinat ciblé de ses adversaires, au pas de leur porte, voire d’un lieu de prière, comme ce fut le cas de Cheikh Yassin, ou à l’étranger… Toujours sans conséquence, car l’Occident est d’une coupable tolérance à l’égard de cet Etat…

Punition collective

La stratégie d’Israël repose sur deux principes, tous deux condamnés par toutes les conventions internationales : la riposte disproportionnée et la punition collective. Rappelons l’origine du conflit qui, depuis quelques jours, l’oppose au Hamas. Trois jeunes israéliens sont enlevés et tués, ce qui est une monstruosité impardonnable. Israël met alors en branle la riposte traditionnelle. Pour lui, tout acte criminel commis contre ses citoyens n’est jamais l’acte d’un désespéré ou d’un groupe de révoltés. C’est le peuple palestinien, hommes femmes et enfants, qui est le comploteur général et c’est lui qu’il faut punir. En conséquence, plus de six cents personnes sont, préventivement, arrêtées, les maisons des familles des personnes suspectées sont rasées, la répression fait des morts avant même que la culpabilité des accusés ne soit établie ! Si les suspects sont châtiés, les victimes sont honorées et bénéficient d’obsèques  solennelles, paisibles et nationales, comme il convient à un deuil de cette nature.

Mais ce qui, déjà, n’était pas convenable, c’est le déchainement de violence verbale qui a accompagné ce drame et qui est porté d’abord par les plus hautes autorités politiques de l’Etat. Les menaces ne sont pas seulement dirigées contre les populations des territoires occupés, mais contre tous les Arabes, y compris les arabes israéliens, car il en existe. Le résultat ne se fait pas attendre : un jeune palestinien est enlevé, torturé et brûlé par une escouade d’israéliens en signe de représailles. Le crime est encore plus odieux que celui que l’on veut venger puisqu’il se fait en pleine ville et non sur des chemins perdus et qu’il est le fait d’hommes qui vivent dans un Etat dont les institutions fonctionnent et qui a, déjà, usé de ses forces militaires pour imposer sa loi. Que croyez-vous qu’il arriva ? Que les parents de la victime palestinienne bénéficieraient, eux aussi, de la commisération et de la protection du pouvoir public pour célébrer leur deuil ? Que les maisons familiales des coupables seraient détruites ? Rien de tout cela n’a été fait : la police a chargé le cortège funéraire, et si les israéliens auteurs du crime sont interpellés, ils seront jugés à titre personnel, seuls responsables du forfait, et leur sanction sera sans excès et peut-être même purement symbolique.

Une guerre indigne

Alors pour noyer médiatiquement cette tragédie, pour qu’on ne parle pas de ce deux poids deux mesures, pour aussi répondre aux attentes d’une partie de son opinion qui jugeait trop molle sa réaction face aux Palestiniens, Ie gouvernement Netanyahou décide d’entreprendre une opération de grande envergure contre son punching-ball favori : Gaza. Comme d’habitude et suivant ses prédécesseurs, il donne à cette opération un nom de code à la mesure du débarquement des alliés sur les plages normandes : Raisins de la Colère (1996), Plomb Durci (2009), Piler de Défense (2012) et maintenant Haie de Protection ! On a l’impression qu’Israël affronte l’empire Moghol, alors que Gaza est une bande de 360 km2, peuplée de 1,5 millions d’habitants, parmi les plus démunis du monde puisque la plupart sont des réfugiés, et que 60% de sa population a moins de 18 ans ! En quelques jours l’aviation israélienne a effectué des centaines de bombardements sur cette petite enclave cernée de toutes parts par son adversaire, a détruit des dizaines d’habitations, a tué plus de cent cinquante personnes, des civils essentiellement, des femmes et des enfants souvent. Il ne pouvait en être autrement puisque la bande est l’un des territoires les plus densément peuplés du monde… La riposte est bien sûr sans commune mesure avec l’affront : les roquettes du Hamas plus ingénieuses qu’efficaces, sont si peu précises que les habitants du sud israélien vont au spectacle, assister, à partir d’un promontoire bien choisi, au déluge de feu qui s’abat sur Gaza  et à l’interception des engins qui en viennent.

La guerre menée à Gaza n’est pas faite contre une armée, elle est lancée contre un peuple, contre des familles qui reçoivent, au téléphone, l’ordre d’abandonner leur maison en quatre minutes, et qui, pour peu qu’elles hésitent ou trainent se retrouvent ensevelies sous les débris. Ce n’est pas seulement une guerre cruelle et injuste, elle est indigne de notre siècle. « Où est la solidarité islamique ? », crie désespérée une habitante de Gaza. Non, madame, il faut crier : « Où donc est l’Humanité ? ». La Palestine est oubliée par la « communauté internationale » qui préfère   exprimer sa compassion à l’Ukraine et condamner Poutine. Alors Netanyahou peut lancer ses troupes au sol et, avec un peu d’effort, il battra le record de Palestiniens tués en 2012 !


Dire que cette violence, que Mahmoud Abbas a appelé génocide, vient d’un peuple qui invoque à l’envi les moments de souffrance et d’injustice qui l’ont conduit à se chercher une terre !

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