Je suis historien et géographe de formation. J'ai été enseignant-formateur à l’Ecole Normale Supérieure (ENS) de Dakar, puis en charge de différentes structures et directions administratives. A la retraite depuis plusieurs années, je profite de ma liberté recouvrée pour assouvir une vieille passion : écrire. Ces dernières années, j’ai publié deux romans («Mon villages au temps des blancs » en 2000 et «La Raparille» en 2010) ainsi que trois essais (« A mes chers parents gaulois » en 2007 ; "Wade Mecum ou le wadisme en 15 mots" en 2010; "Le temps des choses jamais vues : chronique des années Wade-Sarkozy", 2013). Je publie régulièrement des chroniques dans divers journaux sénégalais (en particulier « Nouvel Horizon » et "Sud Quotidien").

lundi 3 février 2020

LE PLAN TRUMP-NETANYAHU : « LA PAIX AVEC UN GOURDIN DANS LA MAIN, C’EST LA GUERRE ! »


NB : Texte publié dans Sud-Quotidien du 1 février 2020

Tous ceux qui voudraient illustrer par un exemple le principe selon lequel on ne peut être juge et partie ont désormais à leur portée le plan Trump-Netanyahu, baptisé frauduleusement plan de paix par leurs auteurs et qui vient d’être présenté à l’opinion mondiale par un président américain toujours bouffi de suffisance. C’est sans doute la première fois au monde qu’un plan, qui a l’ambition d’établir une paix durable entre deux entités politiques, est conçu, élaboré, deux années durant, à l’insu et en l’absence de l’un des protagonistes. Ce que Donald Trump appelle pompeusement le deal du siècle se réduit en fait à dire au gouvernement Netanyahu : « Dites-moi ce que VOUS vous voulez, et je l’imposerai à votre adversaire parce ce que j’ai la force avec moi ! ». 
On ne peut pas trop demander au président américain en matière de connaissances historiques, mais Benyamin Netanyahu, qui a plus de culture, aurait dû se souvenir de ce mot d’un orfèvre en la matière, le Mahatma Gandhi, selon lequel « il n’y a pas de chemin vers la paix, la paix est le chemin »… 
En attendant, au vu de son contenu et de la date choisie pour sa publication, ce plan, dont on dit qu’il va tuer tout espoir de paix au Proche Orient, comble de joie les trois personnes réunies autour de son berceau.
C’est un couronnement pour Jared Kushner, son maître d’œuvre, beau-fils et haut conseiller de Trump, son pense-bête disent certains, plus connu pour ses transactions immobilières douteuses que pour ses talents de diplomate international. Il n’est pas seulement ce qu’on appelle aux Etats-Unis un juif orthodoxe (il n’a épousé la fille de Trump qu’après sa conversion au judaïsme), il est un militant engagé de la cause d’Israël  et ses fonctions de médiateur le placent d’ailleurs en situation de conflit d’intérêts puisque la fondation de sa famille apporte un soutien financier conséquent à l’armée israélienne et aux colons les plus opposés au processus de paix .Il est considéré par ses  interlocuteurs palestiniens comme le premier envoyé d’un gouvernement américain «  à afficher un biais pro-israélien aussi flagrant ».
Ce plan et sa diffusion constituent une délivrance pour Netanyahu, empêtré dans des affaires de corruption, inculpé par la justice de son pays et incapable de former un gouvernement majoritaire. En coupant l’herbe sous les pieds des extrémistes israéliens, Trump lui offre l’occasion d’ouvrir sa campagne électorale en se vantant d’avoir obtenu la satisfaction de leurs principales revendications !
Ce plan représente, enfin, un argument politique pour Trump lui-même qui répond ainsi aux vœux de son électorat évangéliste et espère par la même occasion détourner son procès en révocation de l’attention de ses concitoyens, surtout au moment où les révélations de son ancien conseiller John Bolton sèment le trouble au sein même de ses alliés.
Face à ce triumvirat de comploteurs qui bafouent les lois internationales et devant les réactions qu’ils suscitent, qu’est-ce qui nous paraît le plus choquant ?
Est-ce d’abord leur indécence à publier ce plan quelques jours seulement après la commémoration en grande pompe du 75eanniversaire de la libération du camp d’Auschwitz qui était, si je ne m’abuse, le symbole de l’injustice appliquée à un peuple ? Comment peut-on passer aussi facilement de l’exaltation du droit de chaque être humain à l’égalité, à la liberté et au respect, à l’affirmation que la force passe avant le droit et au mépris de tout un peuple auquel on refuse celui, élémentaire, de vivre sur ses terres et d’y exercer son autorité ? 
Devons-nous être plutôt choqués par l’indifférence des instituteurs des droits de l’Homme et des lois internationales car, enfin, sur la Palestine et sur Israël, l’Organisation des Nations-Unies s’est souvent prononcée, elle a proclamé des principes intangibles, elle a fixé des limites, elle a affirmé des droits ! Il y a eu tout de même des conférences, des accords, il y a eu Madrid, Oslo, Washington, Camp David… Il y a des prérequis, il y a eu des acquis qui ont fait avancer le dossier, qui ont reçu l’assentiment de la communauté internationale. Tout ce consensus a été balayé par Trump d’un coup de menton et les nations occidentales, garantes de ces avancées, se contentent de formules laconiques. Pourtant quand le sort de leurs populations est en jeu, elles savent prendre des risques, elles osent déplaire à l’allié américain, comme ce fut le cas il y a quelques jours sur le 5G chinois !
Mais peut-être qu’en fin de compte, le plus choquant, le plus scandaleux, c’est tout simplement la complicité des nations arabes qui sont directement concernées par le sort de la Palestine et dont certaines ont commis un acte de forfaiture en assistant au show Trump-Netanyahu ! Comment la plus puissante d’entre elles, l’Arabie Saoudite, pourrait-elle encore continuer à se présenter comme la gardienne des Lieux Saints de l’islam quand elle est prête à accepter que l’un des plus sacrés d’entre eux soit désormais propriété israélienne et probablement menacé de disparition ?