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Texte publié dans « Sud-Quotidien » du 27 mai 2019
Au 30 avril 2019, après 828 jours passés
à la Maison Blanche, Donald Trump, président des Etats-Unis d’Amérique, 72 ans,
milliardaire, sain de corps (pour l’esprit, certains, dont apparemment Mme
Nancy Pelosi, présidente de la Chambre des Représentants, émettent des doutes),
a proféré très exactement 10.111 mensonges. Il n’a cessé d’améliorer ses
performances, passant d’une moyenne de 6 mensonges quotidiens au début de son
mandat, à 22 par jour dans les premiers mois de 2019, dimanche et jours fériés
compris. Son pays qui pouvait se vanter d’être la première puissance industrielle,
commerciale, scientifique, culturelle et militaire du monde peut désormais
ajouter un autre titre à son palmarès : celui d’avoir le président le plus
menteur de la planète et sans doute de l’histoire. Le Washington Post a décerné
à Donald Trump le brevet de Menteur en Chef !
C’est peut-être une obsession chez moi,
mais j’ai toujours du mal à comprendre pourquoi cette chimère qu’on appelle
« Communauté internationale » et qui se réduit en réalité à une
dizaine de nations, est si peu prompte à réprimer les erreurs et bavures
commises dans les pays du Nord, alors qu’elle sanctionne très sévèrement celles
dont les auteurs sont au Sud. Aucun chef d’Etat d’Europe ou d’Amérique du Nord
n’accepterait de signer un traité, d’entretenir une amitié sincère avec un
président africain qui renie tous les engagements souscrits par son pays, au
mépris du droit international, sur la base d’arguments cousus de fil blanc et
que la science, la logique, le bon sens réfutent. Pourtant, malgré ses
mensonges et ses palinodies, Donald Trump échappe aux critiques de ses pairs et
ne fait l’objet d’aucun ostracisme !
Des mensonges calibrés et itératifs !
Ses mensonges ont été propagés par
tweets, discours et annonces officielles, dans des meetings et des réceptions,
et le recensement cité plus haut ne prend pas en compte ceux qui ont été tenus
dans l’intimité de sa chambre à coucher ou au téléphone avec ses enfants ou ses
collaborateurs privés tenus au secret. Ils ne résultent pas d’une estimation
grossière, approximative, comme celle que l’on fait à vue de nez pour évaluer
la richesse d’un gisement de pétrole. Ils ne sont pas le fruit des
élucubrations d’amuseurs publics, de chansonniers ou d’humoristes, de journaux
spécialisés dans la caricature ou l’outrance. Ils ont été répertoriés,
enregistrés, classés par des experts en fake-news
appartenant à des médias sérieux et fiables qui disposent de moyens
d’investigation conséquents. L’une de leurs sources est le New-York Times, sans doute le quotidien le plus influent et le plus
prestigieux du monde, qui a investi plusieurs millions de dollars pour se doter
d’une antenne créée ex nihilo à
Washington et consacrée exclusivement à l’écoute des propos du président. Son
rival, le Washington Post, qui est pour
ainsi dire dans la fosse au lion, tient une véritable base de données des
mensonges et affirmations inexactes du locataire de la Maison Blanche, classés
selon leur gravité et selon les sujets abordés. Les examens cliniques établis par ces journaux et
par d’autres observateurs nous enseignent que ces mensonges sont
« calibrés », avec un pic en période électorale et une moindre
fréquence en période de mer calme. Ils sont souvent itératifs et comportent de
nombreux « doublons ». Ainsi et à titre d’exemples, Trump a répété
160 fois que la construction d’un mûr entre les Etats-Unis et le Mexique avait
déjà commencé, ce qui reste faux, et 143 fois qu’il était à l’origine de la
plus grande réduction d’impôts de l’histoire de son pays, ce qui est également
inexact ! Il lui est même arrivé de remplacer un mensonge par un autre
mensonge, et c’est ainsi qu’après avoir prétendu, il y a quelques années, que
son père était d’origine suédoise - (reprenant tout simplement une contrevérité
que ce dernier avait lui-même propagée à une époque où l’Allemagne était
montrée du doigt, ce qui prouve que bon sang ne saurait mentir !) - il a
affirmé récemment, avec la même assurance et la même mauvaise foi, que son père
était Allemand, né en Allemagne dans « un endroit (!) formidable ».
« Formidable »
comme « énorme » ou « extraordinaire », font partie du
champ lexical de Donald Trump qui est d’une affreuse pauvreté !
On aurait pu traiter tous ces mensonges à
la légère, malgré le statut de leur auteur, s’ils n’étaient que le résultat de
son ignorance. Après tout, « L’Amérique d’abord ! », c’est
surtout « L’Amérique seulement ! », et dans le parti de M. Trump
beaucoup se vantent de n’être jamais sortis des Etats-Unis, de ne rien
connaitre du reste du monde ni de tout ce qui n’est pas leur spécialité. Ronald
Reagan ne savait pas très bien où se trouvait la Jamaïque et il n’est donc pas
étonnant que Donald Trump ne sache rien de l’Afrique. Lorsqu’il affirme que les
sons des éoliennes provoquent le cancer,
il ment, mais il est sans doute de bonne foi.
On peut aussi se contenter de sourire des
mensonges qu’il commet par fatuité, car il reste fondamentalement un fanfaron. Comme
lorsqu’il prétend qu’il est le premier président américain à avoir relevé la
solde des GI qui servent en Irak, alors que celle-ci est réévalué
systématiquement chaque année. Comme lorsqu’il estimait sa fortune à plus de 8
milliards de dollars, alors que Forbes
jugeait qu’il n’avait que la moitié de ce pactole, ce qui était déjà impressionnant.
Non seulement il commettait un mensonge, mais il allait à l’encontre des habitudes
des hommes d’affaires qui ont plutôt tendance à sous-évaluer leur patrimoine,
pour limiter les frais d’impôts par exemple.
Toutes ces affabulations sont rémissibles
car, comme le dit un proverbe de chez nous, « si le mensonge fait le
déjeuner, il ne fera pas le dîner », et ceux que commet M. Trump par
vantardise ou par bêtise ne feront jamais long feu.
Une parole démonétisée !
D’autres mensonges pourraient, hélas,
avoir des conséquences tragiques. Les guerres naissent souvent de malentendus
ou de travestissements de la vérité et les blagues de Donald Trump, qui ne se
fie qu’à son intuition et ne fait pas confiance à ses services de
renseignements qui sont pourtant les meilleurs du monde, pourraient devenir des
erreurs tragiques. Il s’était déjà fait remarquer, il n’y a pas longtemps, en
prétendant, à tort, que DAESH était anéanti et qu’on pouvait rappeler toutes
les forces qui étaient à sa poursuite, ce qui était pour le moins précipité et dangereux.
Avec les tensions qui s’accroissent au Moyen Orient, son alignement irréfléchi
sur les positions les plus extrémistes d’Israël, qui rêve d’un embrasement du
monde arabe, pourrait l’amener à propager des mensonges qui mettraient tout
simplement en cause la paix dans le monde…
En espérant qu’une telle catastrophe ne
se réaliserait pas, on peut dire que le mal est déjà fait dans son pays et que
le regard que les Américains portent sur le premier d’entre eux en est tout
bouleversé. Aux Etats-Unis, la vie publique des élus a toujours été soumise à
l’observation des citoyens, il n’y a guère longtemps les Américains avaient
contraint à la démission l’ancien président Richard Nixon et le fondement de
leur reproche était qu’il leur avait menti. C‘était encore un mensonge qui,
quelques années plus tard, avait conduit du Capitole à la Roche Tarpéienne un
autre de leurs présidents, Bill Clinton. Les mensonges de Trump ont fait perdre
des centaines de milliers de dollars à une entreprise qui avait parié sur son intégrité,
ils pourraient le rendre passible de parjure pour complicité avec la Russie.
Mais quoiqu’il arrive, il a d’ores et déjà perdu toute crédibilité aux yeux de
ses concitoyens et désormais moins de
trois américains sur dix croient à ses déclarations. La réalité c’est qu’avec
Trump, la parole même de la première personnalité du pays est affaiblie, c’est
que le message présidentiel s’est banalisé. En vérité, dit un observateur, le
chef de la plus grande puissance mondiale est devenu un personnage de série de
télévision : avec lui, désormais, la légende l’emporte sur la
vérité !