Je suis historien et géographe de formation. J'ai été enseignant-formateur à l’Ecole Normale Supérieure (ENS) de Dakar, puis en charge de différentes structures et directions administratives. A la retraite depuis plusieurs années, je profite de ma liberté recouvrée pour assouvir une vieille passion : écrire. Ces dernières années, j’ai publié deux romans («Mon villages au temps des blancs » en 2000 et «La Raparille» en 2010) ainsi que trois essais (« A mes chers parents gaulois » en 2007 ; "Wade Mecum ou le wadisme en 15 mots" en 2010; "Le temps des choses jamais vues : chronique des années Wade-Sarkozy", 2013). Je publie régulièrement des chroniques dans divers journaux sénégalais (en particulier « Nouvel Horizon » et "Sud Quotidien").

vendredi 22 août 2014

AVONS NOUS BESOIN D'UNE AMBASSADE DE L'ETAT D'ISRAEL AU SENEGAL ?

NB Texte publié dans "Sud Quotifdien" du 28 juillet 2014

Le sourire de l’ambassadeur israélien à Dakar, déguisé en Sénégalais dans son boubou brodé, satisfait de son coup au milieu d’une escouade d’imams et d’oulémas avides d’agapes, n’y change rien. Aujourd’hui, après trois semaines de frappes sur Gaza, la question que nous devons nous poser est celle-ci : avons-nous vraiment besoin d’une ambassade de l’Etat d’Israël au Sénégal ?Quel privilège diplomatique avons-nous à entretenir des relations avec un gouvernement qui n’en fait qu’à sa tête, qui bafoue toutes les résolutions des Nations-Unies, qui méprise royalement celles de l’Union Africaine ainsi que les requêtes répétées d’institutions telles que MSF ou le HCR impliqués bien malgré eux dans le conflit israélo-arabe ? Avec Israël, toute diplomatie est vaine et bien vaine était la chimère de l’ancien président Wade qui rêvait de réunir à Dakar un sommet  pour mettre fin au conflit israélo-arabe, alors que les meilleures bonnes volontés se sont brisées sur le roc d’Israël. Les autorités de l’Etat hébreu ont bousculé tous les grands de ce monde, de Chirac, quasiment molesté au cours d’une visite en Cisjordanie, à Joe Biden, victime d’un camouflet alors même qu’il se trouvait sur le sol israélien, en passant par Obama défié comme jamais ne l’a été le président des Etats-Unis d’Amérique…

Quel intérêt politique peut nous pousser à solliciter la coopération d’un gouvernement toxique dont la seule vraie expertise est le renseignement, au point qu’il est difficile de distinguer, dans ses missions diplomatiques, le conseiller économique du chargé de renseignement ? Sa principale spécialité en Afrique a toujours été d’assister les services secrets de gouvernements qui n’étaient pas parmi les plus démocratiques du continent. C’est sa propension à sans cesse rechercher des lobbies pour appuyer sa politique qui explique la compromission d’imams et oulémas du Sénégal qui, non contents d’être les commensaux de  l’ambassadeur d’Israël en ce mois voué à la paix et à l’heure où précisément des bombes s’abattaient sur la population civile de Gaza, ont pris l’énorme risque d’adouber un comportement  fustigé par tous les peuples épris de liberté. Il est peu probable qu’entre le fromage et le dessert, ils aient pris le risque d’évoquer les menaces de destruction qui pèsent sur le troisième lieu saint de l’Islam ou l’interdiction de l’accès de l’esplanade de la mosquée Al Aqsa à la majorité des Palestiniens !

20 fois le nombre de victimes françaises d’Air Algérie !

Quel profit moral ou humaniste devrions-nous tirer en tissant des liens forts avec un gouvernement qui n’use que de sa force, qui refuse à certains de ses citoyens l’accès à de multiples fonctions, notamment dans la diplomatie et l’administration, ce qui est une forme d’apartheid ? Un gouvernement qui vient de sacrifier déjà plus d’un millier de vies, soit 20 fois le nombre de victimes françaises du crash du vol Air Algérie, des femmes, des enfants en majorité, tous ceux qui n’ont pas assez de force pour fuir et se mettre à l’abri de ses bombes ! On ne peut pas avoir une appréciation exacte du désespoir qui pousse les Palestiniens au pire, et quelquefois à l’irrationnel, si on ne prend pas en compte que Gaza est sous blocus israélien et ne communique avec aucune autre partie du monde, ni par air, ni par terre, ni par mer. Les Syriens qui fuient les massacres d’Assad se réfugient au Liban ou en Turquie, Gaza est une île cernée de bombes et n’a pas de zone de  repli : ceux qui fuient s’entassent chez d’autres fuyards et partagent leur misère ! Israël, qui se flatte d’être maître en frappes chirurgicales, ne pourra convaincre personne qu’en bombardant un hôpital, une mosquée, une école, une plage, un immeuble de treize étages, il visait des tunnels souterrains, et c’est heureux que pour une fois, une organisation internationale ait parlé de crimes de guerre en évoquant le sort fait aux habitants civils de Gaza !

Nous aurions tant préféré aimer Israël ! Nous aurions aimé citer en exemple la détermination de ses fondateurs  à surmonter la barbarie et l’injustice, même  si sa création est aussi un acte d’injustice. Nous aurions aimé nous instruire de l’expérience d’hommes et de femmes qui ont transformé un désert en verger et construit une nation à partir d’ilots de citoyens venus d’un peu partout. Hélas, tous nos espoirs sont déçus et, depuis des années, et notamment depuis la mort de Rabin, le gouvernement d’Israël est devenu impérialiste, colon, et parfois même raciste. Il a renoncé à chercher à vivre en paix avec ses voisins pour ne plus chercher qu’à les écraser, « sûr de lui et dominateur », comme dirait De Gaulle. C’est un Etat qui a son sol au Proche Orient et veut placer son destin en Occident.

« Notre liberté est incomplète… »


Nous n’avons pas besoin de l’ambassade d’Israël parce que nous n’avons pas les mêmes intérêts que son pays, et nous ne sommes pas les seuls puisqu’à la dernière consultation de l’Assemblée Générale de l’ONU, qui compte près de 200 membres, moins d’une dizaine de voix se sont portées à son secours, celle des Etats-Unis, parrain indéfectible et de ses affidés, issus principalement de la Micronésie. Nos repères ne sont pas les siens : il a snobé les obsèques de Mandela, lui reprochant sans doute d’avoir proclamé que« notre liberté est incomplète sans la liberté des Palestiniens », il n’a pas réussi à séduire Lula dont il voulait faire une caution pour faire arrêter la vague de reconnaissances de la Palestine qui déferle en Amérique Latine, il a toujours l’appui de Bernard-Henry Lévy, mais a perdu le soutien de grandes voix juives comme Noam Chomsky ou Edgar Morin, et je ne suis pas sûr qu’il ait gagné au change. Certes il vient de recevoir la pleine adhésion du gouvernement français et c’est même la première fois que celui-ci manifeste à l’endroit de la politique de répression israélienne un appui plus ferme que celui exprimé par les Etats-Unis ! Mais M. Hollande n’est pas toute la France et ceux qui manifestent ces jours ci dans les rues ne sont pas seulement des membres de la « diversité » ou des casseurs, mais, majoritairement, des Français soucieux de défendre l’honneur et la réputation de leur pays. En Afrique, il y a longtemps qu’on a compris que M. Hollande n’incarnait pas seulement la « gauche molle », mais surtout la gauche complaisante et qu’il ne lui reste plus que les deuils, sa campagne au Sahel et le soutien à Israël pour redresser la courbe déclinante de sa popularité.

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