NB Texte publié dans "Sud Quotifdien" du 28 juillet 2014
Le sourire de l’ambassadeur israélien à Dakar, déguisé en
Sénégalais dans son boubou brodé, satisfait de son coup au milieu d’une
escouade d’imams et d’oulémas avides d’agapes, n’y change rien. Aujourd’hui,
après trois semaines de frappes sur Gaza, la question que nous devons nous
poser est celle-ci : avons-nous vraiment besoin d’une ambassade de l’Etat
d’Israël au Sénégal ?Quel privilège diplomatique avons-nous à entretenir des
relations avec un gouvernement qui n’en fait qu’à sa tête, qui bafoue toutes
les résolutions des Nations-Unies, qui méprise royalement celles de l’Union
Africaine ainsi que les requêtes répétées d’institutions telles que MSF ou le
HCR impliqués bien malgré eux dans le conflit israélo-arabe ? Avec Israël,
toute diplomatie est vaine et bien vaine était la chimère de l’ancien président
Wade qui rêvait de réunir à Dakar un sommet
pour mettre fin au conflit israélo-arabe, alors que les meilleures
bonnes volontés se sont brisées sur le roc d’Israël. Les autorités de l’Etat
hébreu ont bousculé tous les grands de ce monde, de Chirac, quasiment molesté
au cours d’une visite en Cisjordanie, à Joe Biden, victime d’un camouflet alors
même qu’il se trouvait sur le sol israélien, en passant par Obama défié comme
jamais ne l’a été le président des Etats-Unis d’Amérique…
Quel intérêt politique peut nous pousser à solliciter la
coopération d’un gouvernement toxique dont la seule vraie expertise est le renseignement,
au point qu’il est difficile de distinguer, dans ses missions
diplomatiques, le conseiller économique du chargé de renseignement ? Sa
principale spécialité en Afrique a toujours été d’assister les services secrets
de gouvernements qui n’étaient pas parmi les plus démocratiques du continent.
C’est sa propension à sans cesse rechercher des lobbies pour appuyer sa
politique qui explique la compromission d’imams et oulémas du Sénégal qui, non
contents d’être les commensaux de l’ambassadeur d’Israël en ce mois voué à la
paix et à l’heure où précisément des bombes s’abattaient sur la population civile
de Gaza, ont pris l’énorme risque d’adouber un comportement fustigé par tous les peuples épris de liberté.
Il est peu probable qu’entre le fromage et le dessert, ils aient pris le risque
d’évoquer les menaces de destruction qui pèsent sur le troisième lieu saint de
l’Islam ou l’interdiction de l’accès de l’esplanade de la mosquée Al Aqsa à la
majorité des Palestiniens !
20
fois le nombre de victimes françaises d’Air Algérie !
Quel profit moral ou humaniste devrions-nous tirer en
tissant des liens forts avec un gouvernement qui n’use que de sa force, qui refuse
à certains de ses citoyens l’accès à de multiples fonctions, notamment dans la
diplomatie et l’administration, ce qui est une forme d’apartheid ? Un
gouvernement qui vient de sacrifier déjà plus d’un millier de vies, soit 20
fois le nombre de victimes françaises du crash du vol Air Algérie, des femmes,
des enfants en majorité, tous ceux qui n’ont pas assez de force pour fuir et se
mettre à l’abri de ses bombes ! On ne peut pas avoir une appréciation
exacte du désespoir qui pousse les Palestiniens au pire, et quelquefois à l’irrationnel,
si on ne prend pas en compte que Gaza est sous blocus israélien et ne
communique avec aucune autre partie du monde, ni par air, ni par terre, ni par mer.
Les Syriens qui fuient les massacres d’Assad se réfugient au Liban ou en
Turquie, Gaza est une île cernée de bombes et n’a pas de zone de repli : ceux qui fuient s’entassent chez
d’autres fuyards et partagent leur misère ! Israël, qui se flatte d’être
maître en frappes chirurgicales, ne pourra convaincre personne qu’en bombardant
un hôpital, une mosquée, une école, une plage, un immeuble de treize étages, il
visait des tunnels souterrains, et c’est heureux que pour une fois, une
organisation internationale ait parlé de crimes
de guerre en évoquant le sort fait aux habitants civils de Gaza !
Nous aurions tant préféré aimer Israël ! Nous
aurions aimé citer en exemple la détermination de ses fondateurs à surmonter la barbarie et l’injustice, même si sa création est aussi un acte d’injustice. Nous
aurions aimé nous instruire de l’expérience d’hommes et de femmes qui ont
transformé un désert en verger et construit une nation à partir d’ilots de
citoyens venus d’un peu partout. Hélas, tous nos espoirs sont déçus et, depuis
des années, et notamment depuis la mort de Rabin, le gouvernement d’Israël est
devenu impérialiste, colon, et parfois même raciste. Il a renoncé à chercher à
vivre en paix avec ses voisins pour ne plus chercher qu’à les écraser, « sûr
de lui et dominateur », comme dirait De Gaulle. C’est un Etat qui a son
sol au Proche Orient et veut placer son destin en Occident.
« Notre liberté est incomplète… »
Nous n’avons pas besoin de
l’ambassade d’Israël parce que nous n’avons pas les mêmes intérêts que son
pays, et nous ne sommes pas les seuls puisqu’à la dernière consultation de
l’Assemblée Générale de l’ONU, qui compte près de 200 membres, moins d’une dizaine
de voix se sont portées à son secours, celle des Etats-Unis, parrain
indéfectible et de ses affidés, issus principalement de la Micronésie. Nos
repères ne sont pas les siens : il a snobé les obsèques de Mandela, lui
reprochant sans doute d’avoir proclamé que« notre liberté est incomplète
sans la liberté des Palestiniens »,
il n’a pas réussi à séduire Lula dont il voulait faire une caution pour faire
arrêter la vague de reconnaissances de la Palestine qui déferle en Amérique Latine,
il a toujours l’appui de Bernard-Henry Lévy, mais a perdu le soutien de grandes
voix juives comme Noam Chomsky ou Edgar Morin, et je ne suis pas sûr qu’il ait
gagné au change. Certes il vient de recevoir la pleine adhésion du gouvernement
français et c’est même la première fois que celui-ci manifeste à l’endroit de
la politique de répression israélienne un appui plus ferme que celui exprimé
par les Etats-Unis ! Mais M. Hollande n’est pas toute la France et ceux
qui manifestent ces jours ci dans les rues ne sont pas seulement des membres de
la « diversité » ou des casseurs, mais, majoritairement, des Français
soucieux de défendre l’honneur et la réputation de leur pays. En Afrique, il y
a longtemps qu’on a compris que M. Hollande n’incarnait pas seulement la
« gauche molle », mais surtout la gauche complaisante et qu’il ne lui
reste plus que les deuils, sa campagne au Sahel et le soutien à Israël pour redresser
la courbe déclinante de sa popularité.
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