NB : Texte publié dans "Sud Quotidien" du 27 décembre 2016
Barack Obama
termine son mandat en beauté : par le pari le plus audacieux, le plus
courageux, le plus conforme à l’idée que
l’on se fait d’un grande puissance éprise de paix et de justice qu’un président
américain ait prise depuis près de quarante ans sur la crise
israélo-palestinienne. Ce n’est pourtant pas un défi, c’est même un geste qui
peut paraître banal, c’est une main levée, non pour dire « niet », comme le font si souvent les Russes et avant eux les
Soviétiques, mais pour dire clairement que trop c’est trop. La position du
président américain se résume en quelques mots : « Je ne peux pas avoir toujours raison contre tout le monde, je m’en
remets à la sagesse de mes pairs, et, surtout, je refuse d’obéir aux menaces et
au chantage ! ». La résolution 2334 du 23 décembre 2016 du Conseil de
Sécurité, approuvée par 14 pays sur 15, à laquelle il n’oppose pas son veto, et
qui exige « l’arrêt immédiat et complet
des activités israéliennes de colonisation dans les territoires palestiniens
occupés, y compris Jérusalem-Est », est un camouflet pour Tel-Aviv. Elle
peut contribuer, avec la sortie de Cuba du lazaret dans lequel l’avaient
enfermé les Etats-Unis, à faire en sorte que Barack Obama mérite un peu mieux
le Prix Nobel de la Paix qui lui avait été attribué trop tôt.
L’Etat d’Israël est
l’une des rares nations du monde à devoir son existence à une résolution des
Nations-Unies, décision d’ailleurs anti-démocratique puisque votée contre la
volonté de la majorité de la population
palestinienne composée alors d’arabes pour les deux tiers. Paradoxalement,
Israël est aussi le pays qui bafoue le plus fréquemment les décisions de cette
assemblée, avec une désinvolture qui touche à la provocation et au mépris de la
communauté internationale, comme vient de le montrer encore sa diplomatie qui
traite de « ligue anti-israélienne »
les pays qui ont voté la dernière résolution du Conseil de Sécurité. Israël a
déjà annoncé qu’il ne l’appliquera pas, pas plus qu’il n’a appliqué plusieurs
dizaines de résolutions de la même instance stigmatisant le traitement des
réfugiés, les actes de violence, l’expulsion de populations civiles, les
expropriations ou les crimes commis par les forces de sécurité. Depuis près de
soixante-dix ans, ses gouvernements successifs n’ont jamais cessé de défier les
lois internationales. Ils n’ont jamais voulu appliquer les principes mêmes qui
avaient présidé à sa création et qui stipulaient que la Palestine serait
partagée en deux Etats, arabe et juif, et que Jérusalem resterait une entité
séparée. Ils ont bafoué impunément un principe reconnu par tous et qui proscrit
toute annexion d’un territoire conquis par la force et qui fait que l’occupation
de Jérusalem et de territoires palestiniens est illégale. Ils ont enfreint les
dispositions de la Convention de Genève qui interdit à la puissance occupante «
de déporter ou de transférer une partie
de sa population civile dans les territoires qu’elle occupe… ».
Depuis l’arrivée au
pouvoir de Barack Obama, le gouvernement Netanyahu, le plus réactionnaire
qu’ait connu Israël, a multiplié les provocations à l’endroit de son plus
proche allié, de son principal soutien économique et militaire, celui dont il
s’est servi comme parapluie face aux injonctions de la communauté
internationale. Il s’est ingénié à faire échouer l’accord sur le nucléaire
iranien dans lequel Obama s’était beaucoup investi. Sur la crise
israélo-palestinienne, il a gelé délibérément les négociations sur tous les
dossiers sensibles, est resté intransigeant sur les colonies, accélérant même
leur création puisque 100.000 colons ont été installés sur des terres
palestiniennes au cours des huit dernières années. On peut même dire qu’il y a
du racisme dans le manque de considération manifesté à l’endroit du président
Obama, réduit à une malheureuse parenthèse, puisque, contrairement à tous les
usages diplomatiques, le Premier Ministre israélien s’est permis de rendre
visite au Congrès américain sans en aviser dans les formes le chef du pays
hôte. Aujourd’hui, il poursuit dans la
même veine en s’adressant directement au
président élu, mais non encore investi, comme s’il était déjà aux affaires,
et les rues des villes israéliennes sont
déjà pavoisées d’ affiches saluant l’arrivée de Trump comme celle de l’homme
qui va « rendre à Israël sa grandeur
» ! A tous ces titres, on doit saluer le geste symbolique du président
américain, même si sa portée est limitée, puisque Barack Obama est à la fin de
son mandat et que la résolution votée n’a pas de caractère contraignant. Il
était temps, comme l’a dit son ambassadrice à l’ONU, de rappeler qu’il fallait
« faire le choix entre la colonisation et
la séparation ».
Mais pourquoi
Israël sort-il la Grosse Bertha pour tirer sur tout ce qui bouge, alors que le
texte voté est, de l’avis même de ses alliés traditionnels, un document
équilibré, qui ne ménage pas les Palestiniens non plus et qui ne fait que
réaffirmer le droit ? Pourquoi sommer des ambassadeurs à répondre à sa
convocation un jour de Noel, alors qu’il aurait crié au blasphème si son
diplomate subissait le même sort le jour du shabbat ?
Pourquoi cible-t-il
tout particulièrement le Sénégal, avec à l’appui des menaces de rétorsion,
alors que notre pays a porté cette résolution, après la capitulation égyptienne
sous la pression (déjà !) de Trump, en même temps que d’autres nations plus
riches et qu’en fin de compte 14 pays l’ont signée, dont l’Angola et l’Egypte ?
Parce qu’Israël a fait de la victimisation une arme dont il use à toutes les
occasions. Parce que sa tactique a
toujours été de frapper les faibles et d’exiger la soumission de tous à sa
volonté. Parce que son vrai domaine de compétence, celui où il ne compte aucun
rival, c’est la sécurité et le renseignement, que ses fonctions de barbouze du
monde et sa capacité de nuisance font peur aux hommes de pouvoir et
représentent un instrument de chantage contre les pays pauvres.
Qu’avons-nous à
perdre en cas de retrait de son aide, bien trop conditionnelle et relativement
modeste ? Très peu, et en tout cas pas l’honneur. Il n’y a aucune gloire à
bénéficier de l’assistance d’un pays qui est lui-même l’un des plus aidés du
monde, comme l’atteste l’accord de défense d’un montant de 36 milliards de
dollars signé il y a quelques mois entre les Etats- Unis et Israël. Il y a de
l’indignité à bénéficier des fonds publics d’un pays dont la richesse ne vient
pas seulement du fruit de son travail, certes indéniable, et qui entre autres
exactions, n’hésite pas à confisquer les recettes fiscales de son petit et
malheureux souffre douleur.
Pour toutes ces
raisons nous disons « Bye-bye Israël !
».
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