Je suis historien et géographe de formation. J'ai été enseignant-formateur à l’Ecole Normale Supérieure (ENS) de Dakar, puis en charge de différentes structures et directions administratives. A la retraite depuis plusieurs années, je profite de ma liberté recouvrée pour assouvir une vieille passion : écrire. Ces dernières années, j’ai publié deux romans («Mon villages au temps des blancs » en 2000 et «La Raparille» en 2010) ainsi que trois essais (« A mes chers parents gaulois » en 2007 ; "Wade Mecum ou le wadisme en 15 mots" en 2010; "Le temps des choses jamais vues : chronique des années Wade-Sarkozy", 2013). Je publie régulièrement des chroniques dans divers journaux sénégalais (en particulier « Nouvel Horizon » et "Sud Quotidien").

jeudi 5 janvier 2017

BONNE NOUVELLE : ISRAËL SUSPEND SON « AIDE» AU SÉNÉGAL !

NB : Texte publié dans "Sud Quotidien" du 27 décembre 2016

Barack Obama termine son mandat en beauté : par le pari le plus audacieux, le plus courageux, le plus conforme  à l’idée que l’on se fait d’un grande puissance éprise de paix et de justice qu’un président américain ait prise depuis près de quarante ans sur la crise israélo-palestinienne. Ce n’est pourtant pas un défi, c’est même un geste qui peut paraître banal, c’est une main levée, non pour dire « niet », comme le font si souvent les Russes et avant eux les Soviétiques, mais pour dire clairement que trop c’est trop. La position du président américain se résume en quelques mots : « Je ne peux pas avoir toujours raison contre tout le monde, je m’en remets à la sagesse de mes pairs, et, surtout, je refuse d’obéir aux menaces et au chantage ! ». La résolution 2334 du 23 décembre 2016 du Conseil de Sécurité, approuvée par 14 pays sur 15, à laquelle il n’oppose pas son veto, et qui exige « l’arrêt immédiat et complet des activités israéliennes de colonisation dans les territoires palestiniens occupés, y compris Jérusalem-Est », est un camouflet pour Tel-Aviv. Elle peut contribuer, avec la sortie de Cuba du lazaret dans lequel l’avaient enfermé les Etats-Unis, à faire en sorte que Barack Obama mérite un peu mieux le Prix Nobel de la Paix qui lui avait été attribué trop tôt.

L’Etat d’Israël est l’une des rares nations du monde à devoir son existence à une résolution des Nations-Unies, décision d’ailleurs anti-démocratique puisque votée contre la volonté de la majorité de la population  palestinienne composée alors d’arabes pour les deux tiers. Paradoxalement, Israël est aussi le pays qui bafoue le plus fréquemment les décisions de cette assemblée, avec une désinvolture qui touche à la provocation et au mépris de la communauté internationale, comme vient de le montrer encore sa diplomatie qui traite de « ligue anti-israélienne » les pays qui ont voté la dernière résolution du Conseil de Sécurité. Israël a déjà annoncé qu’il ne l’appliquera pas, pas plus qu’il n’a appliqué plusieurs dizaines de résolutions de la même instance stigmatisant le traitement des réfugiés, les actes de violence, l’expulsion de populations civiles, les expropriations ou les crimes commis par les forces de sécurité. Depuis près de soixante-dix ans, ses gouvernements successifs n’ont jamais cessé de défier les lois internationales. Ils n’ont jamais voulu appliquer les principes mêmes qui avaient présidé à sa création et qui stipulaient que la Palestine serait partagée en deux Etats, arabe et juif, et que Jérusalem resterait une entité séparée. Ils ont bafoué impunément un principe reconnu par tous et qui proscrit toute annexion d’un territoire conquis par la force et qui fait que l’occupation de Jérusalem et de territoires palestiniens est illégale. Ils ont enfreint les dispositions de la Convention de Genève qui interdit à la puissance occupante « de déporter ou de transférer une partie de sa population civile dans les territoires qu’elle occupe… ».

Depuis l’arrivée au pouvoir de Barack Obama, le gouvernement Netanyahu, le plus réactionnaire qu’ait connu Israël, a multiplié les provocations à l’endroit de son plus proche allié, de son principal soutien économique et militaire, celui dont il s’est servi comme parapluie face aux injonctions de la communauté internationale. Il s’est ingénié à faire échouer l’accord sur le nucléaire iranien dans lequel Obama s’était beaucoup investi. Sur la crise israélo-palestinienne, il a gelé délibérément les négociations sur tous les dossiers sensibles, est resté intransigeant sur les colonies, accélérant même leur création puisque 100.000 colons ont été installés sur des terres palestiniennes au cours des huit dernières années. On peut même dire qu’il y a du racisme dans le manque de considération manifesté à l’endroit du président Obama, réduit à une malheureuse parenthèse, puisque, contrairement à tous les usages diplomatiques, le Premier Ministre israélien s’est permis de rendre visite au Congrès américain sans en aviser dans les formes le chef du pays hôte. Aujourd’hui, il poursuit  dans la même veine en s’adressant  directement au président élu, mais non encore investi, comme s’il était déjà aux affaires, et  les rues des villes israéliennes sont déjà pavoisées d’ affiches saluant l’arrivée de Trump comme celle de l’homme qui va « rendre à Israël sa grandeur » ! A tous ces titres, on doit saluer le geste symbolique du président américain, même si sa portée est limitée, puisque Barack Obama est à la fin de son mandat et que la résolution votée n’a pas de caractère contraignant. Il était temps, comme l’a dit son ambassadrice à l’ONU, de rappeler qu’il fallait « faire le choix entre la colonisation et la séparation ».

Mais pourquoi Israël sort-il la Grosse Bertha pour tirer sur tout ce qui bouge, alors que le texte voté est, de l’avis même de ses alliés traditionnels, un document équilibré, qui ne ménage pas les Palestiniens non plus et qui ne fait que réaffirmer le droit ? Pourquoi sommer des ambassadeurs à répondre à sa convocation un jour de Noel, alors qu’il aurait crié au blasphème si son diplomate subissait le même sort le jour du shabbat ?

Pourquoi cible-t-il tout particulièrement le Sénégal, avec à l’appui des menaces de rétorsion, alors que notre pays a porté cette résolution, après la capitulation égyptienne sous la pression (déjà !) de Trump, en même temps que d’autres nations plus riches et qu’en fin de compte 14 pays l’ont signée, dont l’Angola et l’Egypte ? Parce qu’Israël a fait de la victimisation une arme dont il use à toutes les occasions. Parce que sa tactique  a toujours été de frapper les faibles et d’exiger la soumission de tous à sa volonté. Parce que son vrai domaine de compétence, celui où il ne compte aucun rival, c’est la sécurité et le renseignement, que ses fonctions de barbouze du monde et sa capacité de nuisance font peur aux hommes de pouvoir et représentent un instrument de chantage contre les pays pauvres.

Qu’avons-nous à perdre en cas de retrait de son aide, bien trop conditionnelle et relativement modeste ? Très peu, et en tout cas pas l’honneur. Il n’y a aucune gloire à bénéficier de l’assistance d’un pays qui est lui-même l’un des plus aidés du monde, comme l’atteste l’accord de défense d’un montant de 36 milliards de dollars signé il y a quelques mois entre les Etats- Unis et Israël. Il y a de l’indignité à bénéficier des fonds publics d’un pays dont la richesse ne vient pas seulement du fruit de son travail, certes indéniable, et qui entre autres exactions, n’hésite pas à confisquer les recettes fiscales de son petit et malheureux souffre douleur.


Pour toutes ces raisons nous disons « Bye-bye Israël ! ».

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