Je suis historien et géographe de formation. J'ai été enseignant-formateur à l’Ecole Normale Supérieure (ENS) de Dakar, puis en charge de différentes structures et directions administratives. A la retraite depuis plusieurs années, je profite de ma liberté recouvrée pour assouvir une vieille passion : écrire. Ces dernières années, j’ai publié deux romans («Mon villages au temps des blancs » en 2000 et «La Raparille» en 2010) ainsi que trois essais (« A mes chers parents gaulois » en 2007 ; "Wade Mecum ou le wadisme en 15 mots" en 2010; "Le temps des choses jamais vues : chronique des années Wade-Sarkozy", 2013). Je publie régulièrement des chroniques dans divers journaux sénégalais (en particulier « Nouvel Horizon » et "Sud Quotidien").

mardi 10 novembre 2015

DEUX POIDS, DEUX MESURES



Texte publié dans « Sud Quotidien » du 1e octobre 2015

Des bombes sur un hôpital !

L’armée américaine, qui n’était restée en Afghanistan que pour une mission d’encadrement, a donc bombardé un hôpital de Médecins Sans Frontières. Bilan : plus de 20 morts, des civils évidemment : des malades et du personnel médical. Première explication américaine, d’une incroyable bêtise : « ce n’est pas nous ! », alors que tout le monde sait que l’autre possible suspect, l’opposition représentée par les Talibans, ne dispose pas d’aviation pour effectuer une telle opération. Deuxième explication d’un insoutenable cynisme et qui a été vite démentie par l’hôpital : des rebelles étaient cachés dans l’établissement ! 

Ce bombardement a été fait en connaissance de cause puisque l’armée américaine, dont l’équipement est le plus sophistiqué du monde, avait reçu communication du GPS de l’hôpital et ne peut donc commettre une erreur aussi grossière. Selon les Conventions de Genève, il est assimilé à un crime de guerre, passible de lourdes condamnations. Pourtant aucun pays n’a exigé que les responsables soient traduits devant une cour appropriée et le monde des « grands esprits » semble se contenter des plates et tardives excuses du président Obama.

Imaginez ce qu’il en aurait été, l’horreur qui aurait saisi « la communauté internationale », si l’Iran avait bombardé un hôpital de la Croix Rouge dans les zones sunnites d’Irak ou de Syrie !

Des fusils contre des pierres !

Depuis quelques jours, des citoyens israéliens sont agressés à l’arme blanche en Israël ou dans les territoires occupés. Les agresseurs sont dans ces cas là, soient abattus par la police ou des témoins armés, soient placés en détention sans jugement. Les personnes suspectées d’être responsables d’attaques du même genre ont vu leurs maisons familiales rasées ou scellées, leurs familles jetées dans la rue, sans même que leur culpabilité ait été établie formellement. Ce traitement n’est réservé qu’aux Arabes puisqu’il y quelques semaines, des colons juifs extrémistes et dont le mouvement est connu de la police, ont incendié la maison d’une famille palestinienne, un bébé de dix huit mois a été brûlé vif et ses parents ne lui ont survécu que quelques jours. Aucune force israélienne n’est allée raser les demeures des présumés coupables, qui avaient inscrit « vengeance » sur les murs de la maison incendiée et dont certains n’en étaient pas à leur premier forfait ! Ce vendredi, l’armée israélienne a fait usage de ses armes sur des manifestants qui lançaient divers projectiles contre ses soldats, faisant sept morts palestiniens. En moins de deux semaines, elle a « exécuté » plus de vingt jeunes gens et adolescents, car elle est la seule armée au monde à être autorisée à tirer à balles réelles sur des manifestants armés de pierres. Israël a été, à maintes reprises, accusé de crimes de guerre, aussi bien par l’ONU que par ses propres soldats, sans jamais être condamnée solennellement par la  justice internationale.

Les crimes de guerre des puissances portent le nom de bavures, et Israël et les Etats-Unis se refusent à signer ou s’affilier à des conventions ou des institutions qui comme les protocoles additionnels des conventions de Genève ou la CPI les empêchent de n’agir qu’à leur guise !

Sus sur la Syrie !

La Syrie n’est en guerre, officiellement, contre aucun pays. Pourtant elle est bombardée sans mandat de l’ONU, ce qui, en soi, représente une violation des conventions internationales, et par des pays avec lesquels elle n’a pas de frontières et n’est pas en conflit et qui ne peuvent donc pas invoquer la légitime défense. Même la France qui, il y a quelques années, s’était fait acclamer à l’ONU pour s’être opposée à l’invasion non autorisée de l’Irak, joue aujourd’hui à la mouche du coche aux côtés des Américains, avec cette conséquence que, pour la première fois depuis longtemps, l’armée française tue des citoyens français qui ne sont pas en guerre contre elle. Le vrai paradoxe de ce conflit, et c’est du jamais vu, c’est que la Syrie subit un double bombardement par deux puissances opposées dont chacune vient faire son marché et soutient un élément des parties en conflit.

C’est comme si, il y a quarante ans, la Chine et les Etats-Unis intervenaient simultanément au Vietnam, l’un bombardant Saigon et l’autre s’attaquant à Hanoi !

Le rapport qui coutait plus d’un milliard !

Enfin pour clore cette liste non exhaustive des injustices commises de par le monde, abordons un sujet bien plus léger et qui lui au moins ne fait pas (encore) de morts. 

La commission d’éthique de la FIFA a donc décidé de suspendre Blatter, mais aussi Platini dont il avait été longtemps le mentor et l’ami. Pour les autorités sportives et politiques françaises, la suspension de Platini est un scandale : il n’est pas présumé innocent, il est déclaré innocent avant même la fin de l’instruction de l’affaire. Ses amis condamnent au contraire la commission d’éthique, truffée, affirment-ils, de pro-Blatter, glosent sur le président intérimaire (un Africain !) dont ils rappellent qu’il avait reçu un blâme du CIO il y a quelques années, et fustigent les libéralités que le président déchu aurait accordées aux pays les plus pauvres. Aucun ne s’offusque que Platini, membre du comité exécutif de la FIFA depuis 13 ans, n’ait jamais rompu avec son ancien mentor pourtant suspecté de plusieurs dérives au cours de son long mandat, ni qu’il ait reçu de celui-ci, pour rétribution de travaux de conseil, soldés dix ans après leur achèvement, l’équivalent d’un milliard deux cents millions CFA. Même si ce montant ne constitue pas un « préjudice pour la FIFA », comme le sous-entend l’acte d’accusation, il est tout de même étrange qu’un seul conseiller ait reçu, de manière quasi informelle, un salaire d’un montant aussi élevé, plus que n’avait reçu aucun pays africain pour développer le football sur ses terres. Apparemment Blatter n’a pas arrosé que des Africains et le rapport, chèrement payé, qui avait valu l’opprobre à Xavière Tiberi, épouse de l’ancien maire de Paris, fait pâle figure à côté de celui de Platini.

Ainsi va le monde et Jean de La Fontaine l’avait résumé il y a trois siècles et demi par une formule : « la raison du plus fort est toujours la meilleure ! ».

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