NB :
Publié dans Sud Quotidien du 26 mars 2018
Le monde entier sait
que depuis soixante-dix ans, le peuple palestinien est écartelé entre d’une
part des camps de fortune disséminés au Liban, en Jordanie ou ailleurs et,
d’autre part un territoire rongé par des colonies illégales implantées par un État
qui n’a que mépris et arrogance à son endroit.
Tout le monde sait
que cet état, Israël, est le seul au monde à avoir été créé ex nihilo par une résolution des Nations-Unies,
injuste et illégale, en contradiction flagrante avec le préambule de la Charte
de l’institution à laquelle elle a été imposée au moyen d’un chantage exercé par
les États-Unis.
…des violations
multiples
Tout le monde sait
que pourtant Israël n’a jamais cessé de bafouer cette résolution et que depuis
sa création, c’est l’un des pays qui a le plus souvent bénéficié du veto d’un
membre permanent du Conseil de Sécurité, le seul qui a toujours refusé
d’appliquer les décisions de l’Assemblée Générale dont les plénipotentiaires
ont été récemment traités d’imbéciles par son Premier Ministre à l’occasion du
débat sur le transfert de l’ambassade américaine à Jérusalem jugé « nul et
non avenu » par la grande majorité des votants (128 voix contre 9).
Tout le monde sait
que depuis la fin de la Deuxième Guerre Mondiale, Israël est le seul État qui
ne s’est agrandi qu’en annexant des territoires conquis par les armes, ce qui
est pourtant formellement condamné par la communauté internationale.
Tout le monde sait
qu’Israël est le seul État qui pratique l’assassinat ciblé visant des
populations civiles, dans les territoires occupés, à Gaza ou ailleurs dans le monde.
Ces exécutions extra-judiciaires violent les lieux les plus saints et
n’épargnent pas les personnes handicapées. Il y a exactement 14 ans, un missile
israélien abattait, au sortir d’une mosquée où il venait d’effectuer la prière
de l’aube, Cheikh Yassine, vieil homme aveugle, paraplégique depuis l’âge de 12
ans, et avec lui 9 spectateurs, car Israël se soucie peu des dégâts collatéraux. A côté
de ces meurtres spectaculaires, il y a ceux qui se font par des méthodes
sophistiquées indétectables, comme ce fut probablement le cas de Yasser Arafat.
Le monde entier sait
qu’Israël est le seul gouvernement qui pratique la punition collective qui
permet de dynamiter une maison familiale sous prétexte que l’un de ses
habitants est responsable d’une
agression ou d’un attentat. Les lois israéliennes permettent d’abattre
impunément un mineur pour jet de pierres ou de condamner à douze (12) ans de prison le jeune palestinien
coupable d’une agression au couteau contre un soldat israélien.
…la
violence institutionnalisée
Israël est le seul
pays au monde dans lequel les mineurs, tous détenus pour des motifs politiques,
représentent un vingtième de la population carcérale, tout au moins dans les
prisons réservées aux Palestiniens. C’est le seul pays où ils sont jugés par des tribunaux militaires, en l’absence de témoins, et
l’UNICEF a reconnu qu’ils étaient victimes de mauvais traitements « institutionnalisés » par la justice
militaire.
Tout le monde sait
que depuis la chute de l’apartheid, Israël est le seul État ouvertement raciste
du monde, non seulement parce qu’il se proclame « État juif », mais
aussi parce que la minorité arabe autochtone qui y vit est privée de
l’essentiel de ses droits, interdite dans certains secteurs économiques et politiques.
C’est le seul pays au monde dont le Parlement peut, par une majorité des deux
tiers, exclure un tiers de ses membres, et notamment les députés arabes
israéliens.
Israël est issu de l’immigration,
il a dans son ADN la condamnation de la déportation, et pourtant son Premier
Ministre n’hésite pas à sommer 20.000 africains
réfugiés dans son pays à choisir entre la prison et la déportation, et il
pousse la provocation jusqu’à affirmer que les immigrés africains sont pires
que les jihadistes qui étaient jusque-là
pour lui l’horreur absolue, et que par leur prolifération, ils pourraient tout
simplement mettre en péril la judaïté d’Israël.
« En Israël
pousse un racisme proche du nazisme à ses débuts ! ».
Cette grave accusation est proférée par un citoyen israélien qui a combattu
plusieurs fois pour son pays, Zeev Sternhell. Pour illustrer son propos, cet
historien spécialiste de l’extrême droite, membre de l’Académie israélienne des
Sciences et des Lettres, évoque tout à
la fois la « cruauté » du
gouvernement de son pays envers les non-juifs, les conditions de vie déplorables
des populations vivant dans les territoires occupés, et surtout la
détermination d’Israël « à briser
les espoirs de liberté et d’indépendance des Palestiniens ».
Israël est devenu un
monstre qui, après avoir collaboré avec les gouvernements racistes d’Afrique du
Sud, s’allie aujourd’hui avec les régimes européens
les plus réactionnaires, la Hongrie ou la Pologne, dont les gouvernements
veulent remettre en cause la démocratie et ses fondements.
Pour Zeev Sternhell, la Palestine est devenue tout
simplement « un camp de
concentration » et le soldat
israélien un « garde chiourme »
qui combat des populations civiles. Cette dérive qui choque même la plupart des
sionistes historiques, trouve sa dernière manifestation dans l’arrestation et
la détention d’une adolescente de 17 ans, Ahed Tamimi, accusée d’avoir « giflé et bousculé » un soldat israélien. Douze chefs d’accusation
avaient été retenus contre elle, mais en réalité, elle et les siens font
l’objet d’un véritable acharnement. Son père, qui a fait la prison à neuf
reprises, était resté une semaine dans le coma après avoir été battu par des
soldats israéliens, les mêmes qui ont tué sa tante et défiguré son cousin par
une balle de caoutchouc. La moitié des habitants de son village a séjourné dans les prisons israéliennes, et à
cette torture physique et morale s’ajoutent des sévices économiques puisque le
village est progressivement dépossédé de ses terres cultivables et de la seule
source d’eau qui l’alimentait. Ahed Tamimi n’a pas giflé un soldat, dit son père,
elle a giflé un informe qui pour la millième fois violait sa demeure.
Le verdict la
condamnant à 8 mois de prison ferme et à une forte amende a été proclamé la
veille du jour anniversaire de l’assassinat de Cheikh Yassine. Elle a dû
plaider coupable non parce qu’elle reconnaissait ses torts mais parce que
c’était la seule voie offerte aux Palestiniens, parce qu’elle ne pouvait pas
bénéficier d’un procès équitable, qu’elle ne pouvait pas se défendre
conformément aux normes de droit.
…Hollywood
avant Jérusalem
Le monde sait tout
cela et le monde, les États, les organisations continentales les institutions
internationales… se taisent ou, dans le meilleur des cas, se contentent de
vagues protestations. Le symbole de cette indifférence et de cette trahison est
illustré par la tournée qu’effectue le prince héritier d’Arabie Saoudite aux États-Unis.
Alors que chaque visite d’un Premier Ministre israélien dans ce pays est
l’occasion de mobiliser des fonds et des lobbies pro-israéliens, le dirigeant
de fait de la première puissance arabe, le « Gardien des Lieux saints de
l’Islam », la seule voix du Moyen Orient qui compte en Occident, à
l’exclusion d’Israël, préfère consacrer une partie de son temps aux lieux de distraction
américains plutôt qu’à défendre la cause palestinienne.
C’est sans doute ce
qu’a compris la jeunesse palestinienne que symbolise Ahed Tamimi : face à
la lâcheté du monde, désormais la Palestine « farà da sè » …
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