NB :
Texte publié dans « Sud Quotidien » du 27 mars 2017
Ils nous avaient chanté
les valeurs de « l’humanisme » sur tous les tons et nous avions fini
par croire qu’aucune détresse humaine ne leur était indifférente…
Pourtant leur compassion
ne profite pas à deux des pays les plus
meurtris de la terre, au point de mettre en péril leur existence même en tant
que nations. La Somalie et le Yémen connaissent en effet, entre autres malheurs,
celui de la famine. Une famine atroce qui pourrait faire des millions de morts
et qui est d’abord la conséquence d’aléas climatiques face auxquels les
populations locales sont impuissantes. Comme un malheur n’arrive jamais seul,
cette famine s’installe dans des pays ravagés par la guerre, les querelles
intestines et l’intervention de puissances étrangères. Les nations riches
restent indifférentes et c’est même le moment que choisit la plus riche d’entre
elles pour fermer ses portes, en ne se fondant que sur des critères religieux, aux
rares, très rares, rescapés de ces pays qui, à priori, ne sont pas des
terroristes, mais des hommes et des femmes désespérés, révoltés par le
fanatisme et la violence, et qui tentent de fuir l’enfer qu’on leur impose !
Ils nous avaient répété,
face aux dérives de nos gouvernants, que les prisons sont faites pour les
coupables et que la liberté de circulation était un principe fondamental des
relations internationales…
Mais ils construisent plus
de murs que de ponts et en attendant que sorte de terre la Grande Muraille des
Amériques, on construit en Hongrie des
murs d’acier sur le flanc sud du pays, du côté des miséreux, pour le fermer aux réfugiés. Mieux encore, le Parlement a
décrété (par 136 voix contre 6 !) que tout immigré sera considéré coupable
et automatiquement placé en détention dans des « zones de transit »
qui sont en fait des camps fermés que le droit européen interdit formellement.
Les dirigeants hongrois ont la mémoire courte : il y a soixante ans,
200.000 de leurs concitoyens, fuyant une révolution écrasée dans le sang, étaient
accueillis dans les pays voisins, dont certains n’avaient pas encore pansé les
plaies de la guerre, et répartis au moyen d’une politique de quotas que
Budapest refuse d’appliquer aujourd’hui…
La Hongrie reste un
membre, ménagé, de l’Union Européenne !
On croyait qu’après les
drames qu’ils avaient vécus au siècle dernier, ils ne laisseraient plus jamais
prospérer chez eux la haine raciale et la discrimination religieuse…
Pourtant aux Pays-Bas, un homme politique, chef d’un
parti qui a pignon sur rue, a fait de la discrimination et de l’incitation à la
haine les fondements de son programme. Si Geert Wilders milite pour la sortie
de son pays de l’Union Européenne et l’annexion de la Flandre, c’est d’abord à
l’Islam, dans sa globalité et non aux seuls musulmans radicaux, qu’il consacre
ses diatribes. Il peut ainsi en toute impunité désigner les électeurs musulmans
sous le terme de « bovins islamiques » et promettre de
débarrasser son pays des Marocains, qu’il traite de « racailles »…
Geert Wilders reste député
des Pays-Bas et peut même épancher sa rancœur devant la Chambre des
Lords !
Ils avaient inscrit la
fraternité sur leur devise, rappelé qu’il ne suffisait pas que les hommes
soient libres et égaux, et qu’il fallait aussi qu’ils soient fraternels, même
si la fraternité ne pouvait pas être réglementée par la loi…
Pourtant, c’est dans leur
pays qu’un agriculteur a été condamné (avec sursis, mais condamné tout de même)
pour avoir aidé et hébergé des migrants en détresse, qu’un enseignant a été
traduit devant la justice pour avoir transporté des réfugiés malades… Le crime
de ces deux Français porte un nom dont les deux termes paraissent antinomiques
puisqu’il s’agit de « délit de solidarité ». Sur
la base de telles accusations, des millions d’Africains se retrouveraient en
prison !
Mais on peut s’attendre au
pire puisque la cheffe du premier parti de France a aussi promis « d’éradiquer l’immigration bactérienne »
car, selon elle, les migrants véhiculent des « maladies contagieuses non européennes »….
Ils nous avaient martelé
que, chez eux, les hommes politiques fondent leur action sur des principes,
qu’ils méprisent l’argent et que pour eux, les deniers de l’Etat étaient sacrés,
au point qu’un humoriste africain a bâti sa carrière en stigmatisant nos hommes
politiques réputés tous véreux…
Pourtant les Français
découvrent avec stupéfaction que leur Assemblée Nationale était aussi une
assemblée de familles au sein de laquelle un quart des députés, gauche et
droite confondues, rétribuent leurs enfants, y compris des mineurs, ou leurs
conjoints sur le budget public, déterminent la nature et la durée de leurs
contrats et fixent leurs salaires ! Ces élus du peuple n’excluent même pas
que cet « argent-boomerang » leur soit partiellement
ristourné ou qu’il leur serve en quelque sorte de complément de salaire.
François Fillon reste
candidat à la présidence de la République, mais maculé de doutes. C’est vrai
que tout homme reste innocent tant qu’il n’a pas été condamné, mais n’est-ce
pas l’école de son pays qui nous avait enseigné que la femme de César ne doit point
être soupçonnée ?
Ils avaient glosé
sur le retournement de veste de nos politiciens, ils n’arrêtent pas de
rire à s’en tenir les côtes à l’évocation de la « transhumance » et du « wox-woxet » (dits et
dédits) à la sauce sénégalaise. Eux aussi ont la mémoire courte, mais sans
remonter à Talleyrand et à sa conception de l’opportunisme en politique qu’il
résumait par la formule « je me suis
mis à la disposition des événements »,
on peut faire l’amer constat que la classe politique française a tué dans l’œuf
le principe même des primaires, et peut-être plus que cela, et que ses chefs ont
abandonné le candidat du parti qui les avait portés au pouvoir pour s’aligner derrière
la bannière d’un homme qui certes a le vent en poupe, mais qui revendique haut
et fort son mépris pour ce même parti !
Pourtant, nous ne nous
réjouissons pas que tous ceux là qui ne cessent de nous donner des leçons
soient pris en flagrant délit de trahison des principes qui depuis toujours ont
constitué l’arme de destruction massive de toutes nos tentatives de relever la tête.
Mais au moins, leurs faiblesses toutes humaines, leurs outrances verbales, leur
peur de l’autre, leurs revirements et leurs contradictions, nous rassurent.
Nous savons désormais qu’ils ne sont ni de purs esprits, ni de petits anges.
Nous savons surtout que notre objectif ne doit pas être de les imiter, de les
prendre en modèles, mais de chercher notre propre voie et compter sur nos propres forces !
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