Je suis historien et géographe de formation. J'ai été enseignant-formateur à l’Ecole Normale Supérieure (ENS) de Dakar, puis en charge de différentes structures et directions administratives. A la retraite depuis plusieurs années, je profite de ma liberté recouvrée pour assouvir une vieille passion : écrire. Ces dernières années, j’ai publié deux romans («Mon villages au temps des blancs » en 2000 et «La Raparille» en 2010) ainsi que trois essais (« A mes chers parents gaulois » en 2007 ; "Wade Mecum ou le wadisme en 15 mots" en 2010; "Le temps des choses jamais vues : chronique des années Wade-Sarkozy", 2013). Je publie régulièrement des chroniques dans divers journaux sénégalais (en particulier « Nouvel Horizon » et "Sud Quotidien").

lundi 3 avril 2017

LEÇON AUX DONNEURS DE LEÇONS



NB : Texte publié dans « Sud Quotidien » du 27 mars 2017

Ils nous avaient chanté les valeurs de « l’humanisme » sur tous les tons et nous avions fini par croire qu’aucune détresse humaine ne leur était indifférente…

Pourtant leur compassion ne profite pas à deux des  pays les plus meurtris de la terre, au point de mettre en péril leur existence même en tant que nations. La Somalie et le Yémen connaissent en effet, entre autres malheurs, celui de la famine. Une famine atroce qui pourrait faire des millions de morts et qui est d’abord la conséquence d’aléas climatiques face auxquels les populations locales sont impuissantes. Comme un malheur n’arrive jamais seul, cette famine s’installe dans des pays ravagés par la guerre, les querelles intestines et l’intervention de puissances étrangères. Les nations riches restent indifférentes et c’est même le moment que choisit la plus riche d’entre elles pour fermer ses portes, en ne se fondant que sur des critères religieux, aux rares, très rares, rescapés de ces pays qui, à priori, ne sont pas des terroristes, mais des hommes et des femmes désespérés, révoltés par le fanatisme et la violence, et qui tentent de fuir l’enfer qu’on leur impose !

Ils nous avaient répété, face aux dérives de nos gouvernants, que les prisons sont faites pour les coupables et que la liberté de circulation était un principe fondamental des relations internationales…

Mais ils construisent plus de murs que de ponts et en attendant que sorte de terre la Grande Muraille des Amériques, on  construit en Hongrie des murs d’acier sur le flanc sud du pays, du côté des miséreux, pour le fermer  aux réfugiés. Mieux encore, le Parlement a décrété (par 136 voix contre 6 !) que tout immigré sera considéré coupable et automatiquement placé en détention dans des « zones de transit » qui sont en fait des camps fermés que le droit européen interdit formellement. Les dirigeants hongrois ont la mémoire courte : il y a soixante ans, 200.000 de leurs concitoyens, fuyant une révolution écrasée dans le sang, étaient accueillis dans les pays voisins, dont certains n’avaient pas encore pansé les plaies de la guerre, et répartis au moyen d’une politique de quotas que Budapest refuse d’appliquer aujourd’hui…

La Hongrie reste un membre, ménagé, de l’Union Européenne !

On croyait qu’après les drames qu’ils avaient vécus au siècle dernier, ils ne laisseraient plus jamais prospérer chez eux la haine raciale et la discrimination religieuse…
Pourtant  aux Pays-Bas, un homme politique, chef d’un parti qui a pignon sur rue, a fait de la discrimination et de l’incitation à la haine les fondements de son programme. Si Geert Wilders milite pour la sortie de son pays de l’Union Européenne et l’annexion de la Flandre, c’est d’abord à l’Islam, dans sa globalité et non aux seuls musulmans radicaux, qu’il consacre ses diatribes. Il peut ainsi en toute impunité désigner les électeurs musulmans sous le terme de « bovins islamiques » et promettre de débarrasser son pays des Marocains, qu’il traite de « racailles »…

Geert Wilders reste député des Pays-Bas et peut même épancher sa rancœur devant la Chambre des Lords !

Ils avaient inscrit la fraternité sur leur devise, rappelé qu’il ne suffisait pas que les hommes soient libres et égaux, et qu’il fallait aussi qu’ils soient fraternels, même si la fraternité ne pouvait pas être réglementée par la loi…

Pourtant, c’est dans leur pays qu’un agriculteur a été condamné (avec sursis, mais condamné tout de même) pour avoir aidé et hébergé des migrants en détresse, qu’un enseignant a été traduit devant la justice pour avoir transporté des réfugiés malades… Le crime de ces deux Français porte un nom dont les deux termes paraissent antinomiques puisqu’il s’agit  de « délit de solidarité ». Sur la base de telles accusations, des millions d’Africains se retrouveraient en prison !

Mais on peut s’attendre au pire puisque la cheffe du premier parti de France a aussi promis « d’éradiquer l’immigration bactérienne » car, selon elle, les migrants véhiculent des « maladies contagieuses non européennes »….

Ils nous avaient martelé que, chez eux, les hommes politiques fondent leur action sur des principes, qu’ils méprisent l’argent et que pour eux, les deniers de l’Etat étaient sacrés, au point qu’un humoriste africain a bâti sa carrière en stigmatisant nos hommes politiques réputés tous véreux…

Pourtant les Français découvrent avec stupéfaction que leur Assemblée Nationale était aussi une assemblée de familles au sein de laquelle un quart des députés, gauche et droite confondues, rétribuent leurs enfants, y compris des mineurs, ou leurs conjoints sur le budget public, déterminent la nature et la durée de leurs contrats et fixent leurs salaires ! Ces élus du peuple n’excluent même pas que cet « argent-boomerang » leur soit partiellement ristourné ou qu’il leur serve en quelque sorte de complément de salaire.

François Fillon reste candidat à la présidence de la République, mais maculé de doutes. C’est vrai que tout homme reste innocent tant qu’il n’a pas été condamné, mais n’est-ce pas l’école de son pays qui nous avait  enseigné que la femme de César ne doit point être soupçonnée ?

Ils avaient  glosé  sur le retournement de veste de nos politiciens, ils n’arrêtent pas de rire à s’en tenir les côtes à l’évocation de la « transhumance » et du « wox-woxet » (dits et dédits) à la sauce sénégalaise. Eux aussi ont la mémoire courte, mais sans remonter à Talleyrand et à sa conception de l’opportunisme en politique qu’il résumait par la formule « je me suis mis à la disposition des événements », on peut faire l’amer constat que la classe politique française a tué dans l’œuf le principe même des primaires, et peut-être plus que cela, et que ses chefs ont abandonné le candidat du parti qui les avait portés au pouvoir pour s’aligner derrière la bannière d’un homme qui certes a le vent en poupe, mais qui revendique haut et fort son mépris pour ce même parti !

Pourtant, nous ne nous réjouissons pas que tous ceux là qui ne cessent de nous donner des leçons soient pris en flagrant délit de trahison des principes qui depuis toujours ont constitué l’arme de destruction massive de toutes nos tentatives de relever la tête. Mais au moins, leurs faiblesses toutes humaines, leurs outrances verbales, leur peur de l’autre, leurs revirements et leurs contradictions, nous rassurent. Nous savons désormais qu’ils ne sont ni de purs esprits, ni de petits anges. Nous savons surtout que notre objectif ne doit pas être de les imiter, de les prendre en modèles, mais de chercher notre propre voie  et compter sur nos propres forces !


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