NB Texte publié dans "Sud Quotidien" du 10 octobre 2016
Ainsi donc nous sommes dans le temps des mensonges et des manipulations politiques…
Ainsi donc nous sommes dans le temps des mensonges et des manipulations politiques…
Rien de nouveau dans le
monde, me dira-t-on : du prétendu coup d’éventail porté au
« consul » de France par le dey d’Alger (1827), à la dépêche d’Ems
(1870), pour ne nous en tenir qu’à l’histoire de la France, les politiques ont
toujours usé de manœuvres et de délations
pour légitimer leurs forfaits. Plus récemment, c’est sur la base de fausses
informations, c’est en produisant des documents fabriqués de toutes pièces pour
l’occasion, que Bush et Sarkozy ont conduit les bombardements qui ont détruit
l’Irak et la Libye et installé la guerre civile sur leurs territoires.
Les droits humains sont
souvent habillés des dépouilles de sordides ambitions politiques…
Pourtant, jamais comme aujourd’hui
les acteurs politiques, presque sans exception, les communicateurs souvent,
qu’ils soient modernes ou « traditionnels », et même, de plus en
plus, les personnes investies du titre de chef religieux, n’ont usé aussi
abondamment de mensonges et de manipulations pour parvenir à leurs fins. Jamais
comme aujourd’hui la « communauté internationale » n’a subi sans
réaction vigoureuse autant de propos émaillés de menaces, d’injures et de
falsifications de l’histoire que ceux par lesquels s’illustrent le premier ministre
hongrois Viktor Orban ou Donald Trump candidat aux élections américaines…
Notre pays n’échappe
évidemment pas à l’épidémie, et nos médias font chaque jour leurs choux gras
des reniements, des calomnies, des déballages d’hommes et de femmes dont la
seule vraie ambition est de faire parler d’eux. Mais nos mensonges et nos
manipulations ne sont que menu fretin face aux constructions sophistiquées de
ceux qui sont à la fois les gendarmes, les juges et les bien-pensants du
monde.
Nous nous en tiendrons à
la France, parce qu’en dépit des ruptures formelles opérées il y a quelques
décennies, elle continue à peser fortement sur notre vie, au plan économique,
politique et médiatique. Il se trouve par ailleurs qu’elle vit ces moments
privilégiés pendant lesquels prospèrent les excès de langage : une crise
économique persistante et la proximité d’élections décisives. Jusqu’ici les outrances verbales
étaient surtout le fait des dirigeants du Front National et de quelques
intellectuels « faussaires, experts en mensonge » selon
les mots de Pascal Boniface, intellectuels fongibles dont la cible préférée reste invariablement
nous, les étrangers, les immigrés et les
musulmans. Mais le filon s’épuise et Eric Zemmour se pend à sa propre corde
lorsqu’il affirme qu’aucun citoyen de France ne doit plus s’appeler Mohamed et
que tous les Français doivent porter des prénoms français ! Autant dire
que Dany Boon, né Hamidou, s’est fait débaptiser pour rien… Mais au fait c’est
quoi un prénom « français », puisque Louis ou Henri, prénoms de plus
de vingt rois de France, sont d’origine germanique ? Faudrait-il que des
célébrités comme Johny Halliday ou Tony Parker ou les petits Kevin ou Ryan qui
prolifèrent depuis peu sur le sol français retournent dans les centres d’état civil? Cela
réglerait-il d’ailleurs le problème car, même en se faisant appeler René et Nicole (prénoms
qui du reste sont d’origine latine et grecque),le dessinateur Enki Bilal ou la
ministre Najat Belkacem ne parviendraient pas à faire oublier leurs «
infamantes » racines bosniaque ou maghrébine ?
L’habit, dit-on chez nous,
peut cacher le corps, pas la généalogie.
Mais si l’on peut abandonner
Zemmour dans son trou, comme aurait dit Alain Badiou, on ne peut pas ne pas
s’alarmer quand ce sont des femmes et des hommes politiques qui ambitionnent de
diriger la France, qui, désormais, alimentent cette dangereuse surenchère.
François Fillon vante
ainsi sans retenue les bienfaits de la colonisation.
Hervé Mariton veut effacer
le droit du sol, vieux de plusieurs siècles.
Manuel Vals fait du
burkini une affaire d’Etat quand, ailleurs, les chefs de gouvernement se
donnent pour règle de ne pas régenter l’habillement de leurs concitoyens…
Mais le champion toutes
catégories de ces dérives, l’adepte du « Donald Trumpisme », stratégie
qui consiste à multiplier les bourdes et les provocations au point de donner le
tournis à l’opinion qui reste toujours en retard d’une indignation, c’est un
ancien président de la république française ! « Quelle inculture ! », aurait dit Mitterrand en parlant de Rocard.
« Quelle vacuité ! », pourrait-on dire dans le cas de Nicolas Sarkozy
qui s’attache à bafouer les valeurs sur lesquelles la France a bâti son crédit.
Sarkozy ignore que le
mythe des ancêtres Gaulois est une invention du XIXe siècle, que c’est le
contexte historique qui a fait préférer les Gaulois aux Francs et que dès le
VIIe siècle toute connotation ethnique avait disparu entre les deux
composantes.
Sarkozy ignore que la
laïcité, arrachée au début du XXe siècle,
c’est aussi le respect mutuel, qu’elle garantit la liberté, y compris
celle de s’habiller selon son choix, que les lieux publics sont des lieux de
confrontation respectueuse et de débat et non d’exclusion. Il dresse les Français
les uns contre les autres, il dresse contre la France ses amis qui ne sont pas
Français mais francophones ou francophiles. Il n’est pas encore au pouvoir que
déjà il somme les Gabonais, qui lui demandent des comptes, de rentrer chez eux !
François Hollande a dit
publiquement que Trump n’était pas un « candidat politique sérieux » et que ses excès de
langage provoquaient chez lui « un
sentiment de haut-le-cœur ».
La victoire de Trump, a-t-il ajouté, serait « dangereuse », parce que selon lui, les élections américaines
sont des « élections mondiales »…
Les élections
présidentielles françaises ne sont certes pas mondiales, mais elles sont
largement « africaines » par les effets qu’elles peuvent avoir sur
notre quotidien. S’ils avaient le sens de la répartie, s’ils voulaient faire
preuve de courage politique et suivre le raisonnement de Hollande, les chefs
d’Etats d’Afrique de l’ouest et du centre devraient d’ores et déjà proclamer à
leur tour que le retour aux affaires de Sarkozy représente un «
danger » pour la coopération franco-africaine.
Parce que ce serait le
retour de l’homme qui a envahi la Libye contre l’avis de l’Union Africaine.
Parce que ce serait
l’arrivée au pouvoir d’un homme prêt à renier tous ses engagements, qui
aujourd’hui dit vouloir combattre la « tyrannie
des minorités », terme qui ne désigne dans son esprit que la
communauté musulmane, qui veut dans ce but, interdire le voile à l’université
et dans les entreprises, supprimer les menus de substitution dans les cantines scolaires.
Parce que c’est celui qui,
ignorant sans doute que 63% des immigrés qui entrent en France ont le niveau du
baccalauréat, veut réduire « drastiquement »
l’immigration, alors que l’Allemagne, qui n’a pas de « pré carré », a
accueilli 1.200.000 étrangers sans s’effondrer.
C’est celui qui veut procéder
à « l’assimilation » des immigrés,
à marche forcée, et qui sans doute ignore aussi que la moitié d’entre eux sont
d’origine européenne, comme l’étaient ses propres parents.
C’est celui qui veut suspendre
le regroupement familial consacré pourtant par la Convention européenne des
droits de l’homme.
C’est celui qui envisage
de remettre en cause le droit du sol, alors que son père n’a acquis la
citoyenneté française qu’en 1975, et qui est prêt à violer la constitution en
autorisant la rétention administrative des personnes fichées S et le placement
préventif des suspects…
Le premier Sarkozy, qui se
disait gaulliste, a donné le discours de Dakar, le prochain, qui siphonne le
programme du Front National, pourrait faire pire !
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