Texte
publié dans « Sud Quotidien » du 26 décembre 2015
«
L’affaire Lamine Diack » va-t-elle mettre le feu au Sénégal ? Ce serait le
comble puisque, si on en croit « Le
Monde », c’est justement pour préserver notre pays de l’embrasement
que pourrait provoquer la réélection d’un vieil autocrate accroché au pouvoir
et à sa « dévolution monarchique », contre l’avis de son peuple, que l’ancien
président de l’IAAF aurait cédé à des marchandages frauduleux.
La guerre n’est pas faite pour les
vieillards !
Ouvrons
d’abord une longue parenthèse pour mesurer les paradoxes de cette affaire.
Le
montant que Platini reconnait avoir reçu de S. Blatter est supérieur à celui
qu’on accuse L. Diack d’avoir soutiré au président de la fédération russe
d’athlétisme. Platini comme Diack se seraient passés de documents comptables et
se seraient contentés d’accords verbaux. C’est plus compromettant pour le
Français qui appartient à une culture qui n’accorde de crédit qu’à ce qui est
écrit, mais apparemment cela n’a choqué personne. Diack, selon ses aveux au Monde, ne se serait pas enrichi par le
montant reçu, ce qui n’est pas le cas de Platini qui a tiré un profit personnel
de l’opération. Platini a été sanctionné par une suspension, mais ses censeurs
parlent d’imprudence plutôt que de corruption, contrairement au soupçon qui
pèse sur Diack.
En
somme la naïveté est une excuse pour le Français, un crime pour le Sénégalais.
Bien entendu, les comités d’éthique des deux organismes qui les employaient
sont diversement appréciés : celui qui a condamné Platini est jugé pourri,
celui qui n’a pas défendu Diack est préservé de l’opprobre. Enfin, Platini est
porté aux nues par son pays où, toutes opinions confondues, on vante sa pureté
et sa compétence, sans s’attarder au montant qu’il a reçu et qui est sans
rapport avec le travail qu’il aurait fourni, alors que Diack ,déjà condamné par
l’opinion occidentale, ne trouve que quelques rares défenseurs dans son propre
pays…
Quelle leçon tirer de cette analyse ?
Elle
se résume en un vieux et célèbre précepte qu’on peut réactualiser comme suit : «Vérité
au-delà de la Méditerranée, erreur en deçà…» Le premier tort de L. Diack, c’est
de l’avoir ignoré, de ne pas s’être souvenu des obstacles opposés à Mbow ou à
J. Diouf, de la suspicion permanente qui pèse sur nos élites lorsqu’elles
occupent des postes stratégiques, d’avoir introduit son fils dans une
institution faite par et pour le Nord qui en fournit toutes les ressources et en
revendique tous les bénéfices.
En
attendant que la justice se prononce, « l’affaire Diack » est en train
d’enflammer notre pays.
L’incendie
est d’abord au sein même de la famille Diack .En proclamant par voie de presse
qu’il « n’a jamais participé à une réunion politique » avec son père, « ni à
aucune distribution d’argent à des opposants »,qu’il « n’a reçu aucun argent
des mains de Balakhnichev » ,le fils se décharge de toute responsabilité dans
l’affaire et se démarque du père qui, selon Le
Monde, aurait dit au juge que son fils était la seule personne susceptible
de dire « qui au Sénégal a reçu l’argent des Russes ».
Au fond on peut se demander en quoi le
fils a servi son père !
Enfin,
Diack fils n’est pas plus tendre en justifiant les aveux compromettants
attribués à son père par « le poids de l’âge ». Pourquoi ne l’a-t-il pas poussé
à partir plus tôt, avant le naufrage, puisque la vieillesse était l’un des
reproches que l’on faisait à Wade, l’ennemi juré de son père ? Pourquoi L.
Diack, qu’il ne jugeait pas trop vieux pour gérer l’IAAF, dont le budget se
monte à 70 millions de dollars, le serait devenu subitement quand il s’agit de
se justifier face à l’enquêteur ?
L’incendie
est aussi dans la classe politique. L’encre du Monde n’était pas encore sèche que le principal parti d’opposition,
faisant feu de tout bois, sortait précipitamment, sans réunir ses instances, un
communiqué excessif et outrageant dont les termes ont été démentis quelques
heures plus tard par la source même des informations. D’autres politiques
sortaient des bois pour lancer des flèches empoisonnées qui se transformeront
en boomerangs ! Et comme souvent, le pouvoir réagira non par l’explication mais
par le recours à la force policière. C’était pourtant plus simple d’édifier l’opinion,
de donner des preuves, d’inviter à l’éclatement de la vérité et de traduire les
calomniateurs devant la justice !
Mais
l’incendie le plus grave est à venir. Lamine Diack est connu pour l’aide et le
parrainage qu’il a assurés à de nombreux mouvements politiques et de la société
civile .Lorsque les noms de ceux qui parmi eux ont mangé au râtelier russe
seront connus et publiés, des légendes s’écrouleront, des réputations seront
anéanties. Cet incendie là au moins sera salutaire.
Restera
à faire en sorte que les mêmes causes ne produisent pas les mêmes effets…
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