Je suis historien et géographe de formation. J'ai été enseignant-formateur à l’Ecole Normale Supérieure (ENS) de Dakar, puis en charge de différentes structures et directions administratives. A la retraite depuis plusieurs années, je profite de ma liberté recouvrée pour assouvir une vieille passion : écrire. Ces dernières années, j’ai publié deux romans («Mon villages au temps des blancs » en 2000 et «La Raparille» en 2010) ainsi que trois essais (« A mes chers parents gaulois » en 2007 ; "Wade Mecum ou le wadisme en 15 mots" en 2010; "Le temps des choses jamais vues : chronique des années Wade-Sarkozy", 2013). Je publie régulièrement des chroniques dans divers journaux sénégalais (en particulier « Nouvel Horizon » et "Sud Quotidien").

dimanche 31 janvier 2010

WADE : CUVEE 2009

Sus aux jeunes !

Le Président de la République ne gardera pas certainement un bon souvenir de l’année qui vient de s’achever. L’homme politique, le seul qui nous concerne ici, a connu en effet des déboires et vu sa crédibilité et sa réputation connaître plus qu’une félure, un effondrement, qui a franchi nos frontières. Le tribun populaire qui tenait les Sénégalais sous son charme s’essouffle, le « Président spécial » qui séduisait ou amusait l’opinion internationale lasse et inquiète même.

Est-ce la fin d’une phase ? Wade serait-il frappé par le syndrome du chiffre neuf qui, selon les Mayas, veut qu’après la « neuvième circonvolution » surviennent toujours des changements qui transforment la conscience collective de telle manière que le monde apparait sous une lumière totalement différente ? Si les prévisions du calendrier maya sont exactes, il faudrait pour quelles se réalisent que la classe politique sénégalaise se décide à « œuvrer en réseaux et à centrer ses intentions afin qu’elles convergent vers la naissance d’un nouveau monde ».

Pour le moment, on peut dire que Wade est entré dans une phase de désaffection sans doute irréversible. L’année 2009 est peut-être celle de la rupture entre lui et cette jeunesse qui avait contribué à le porter au pouvoir, l’avait acclamé et veillé le 19 mars 2000, et qu’il s’était promis de ne jamais mater par la force. Le 9 janvier, 17 jeunes de Kédougou qui avaient manifesté pour réclamer des emplois étaient condamnés à des peines de cinq à dix ans, après que deux d’entre eux aient perdu la vie. Ils seront graciés quelques mois plus tard pour des raisons surtout électorales, mais les responsables de la bavure resteront impunis. En décembre, la garde rapprochée du Président est envoyée « casser » une petite dizaine de jeunes manifestants rassemblés devant les grilles de la résidence du Sénégal à Paris : le visage ensanglanté de l’un d’eux fera la couverture de tous les journaux.

Du rififi dans la famille !

La baraka semble avoir abandonné le Chef de l’Etat et désormais il perd à tous les jeux. Son jeu favori avait été d’opposer ses « fils » entre eux, d’exécuter l’un pendant qu’il encense l’autre. En 2009, il a perdu Macky Sall, sans être sûr d’avoir reconquis Idrissa Seck, a tenté de récupérer le premier sans renoncer au second. A ce jeu-là il a perdu des plumes et à son âge ce n’est guère rassurant. Le 12 janvier, l’ex « 2e numéro 1 » était sorti euphorique de son bureau et avait annoncé la fin des hostilités. Mais avant de remettre son arme dans le fourreau, Isrissa Seck avait tiré sur l’ambulance : un coup sur ceux qui avaient pris sa place, accusés de félonie, un coup sur Wade lui-même dont il avait raillé l’acculturation. Le Président l’avait accusé de vouloir lui ravir « son plat » (car pour Wade la dignité de Chef de l’Etat est comparable à un plat), il lui rappellera que dans la tradition africaine, tenir le plat de l’aîné, c’est lui témoigner du respect. Quelque chose lui était restée dans la gorge au point qu’il s’abstiendra de paraître aux obsèques publiques de Karine Wade, trois mois plus tard. Mais le Président, qui croyait l’avoir maîtrisé, était déjà passé à une autre étape : ferrer Macky Sall, qui se verra accuser, le 26 janvier, d’un crime inédit au Sénégal, à ce niveau au moins : « blanchiment d’argent » ! Double échec : Macky Sall sera disculpé au moment même où I. Seck était totalement blanchi du scandale des Chantiers de Thiès (4 mai). Il restait à boire la lie : à Thiès encore, le 4 novembre, alors que I. Seck proclame sa soumission, Wade fait un appel du pied à Macky. Voila comment l’année 2009 s’est achevée dans la confusion familiale : le cadet n’a pas accepté l’offre et l’aîné n’est pas tout à fait revenu dans « la maison du père » ! Un poste a été pourtant créé dans la précipitation, qui pourrait l’accueillir, celui de vice-président, mais il pourrit dans les tiroirs parce que les suspicions demeurent et qu’elles sont des deux côtés. Décidément, en 2009, le Président a eu la main lourde avec ses « fils » : il avait aussi joué le cheval Dadis Camara et le massacre du 28 septembre l’a écarté de toutes les médiations africaines. La Maison Sénégal n’a plus bonne presse et notre pays sera écarté de la première tournée du Secrétaire d’Etat américain en Afrique, au grand désespoir de Wade. Le 16 septembre Obama confirmera le discrédit en le snobant à la cérémonie de signature du MCA, et l’évènement du jour, ce sera l’anniversaire de son ministre des Affaires Etrangères, qui en payera le prix. Du coup, le Président voyageur en perdra l’envie de voyager et ratera les sommets de l’OCI et de Chine–Afrique.

Les caves se rebiffent !

La brèche ouverte par l’ancien Premier Ministre Macky Sall est devenue un passage très fréquenté, comme si la rébellion était devenue contagieuse, et on y rencontre des gens qu’on n’attendait pas. Le 30 avril Soumaré, le Premier Ministre que Wade avait tiré du bas de l’échelle pour le porter au sommet et qu’il croyait donc corvéable à merci, décline son offre insistante et sa reconduction en invoquant – quelle audace ! – des « convenances personnelles ». Le Chef de l’Etat est si désarçonné par cette rebuffade qu’il remaniera son gouvernement improvisé à trois reprises en dix jours. Le 10 juin Mamadou A. Sow rend son tablier de ministre du Budget, pour ne pas porter atteinte à ses convictions. Voila que les ministres ont des états d’âme ! On n’avait jamais vu ça de mémoire de wadiste : renoncer à des privilèges sans y être contraint. Instruit par l’expérience, le Président va désormais prendre les devants pour sauver ce qui lui reste de prérogatives, par exemple en politisant les postes les plus sensibles de l’Etat, en renvoyant le plus ancien de ses ministres(1e octobre) et en poussant à la démission le président de la CENA, qui est pourtant inamovible. Ces gestes impulsifs ne sont, peut-être, que les séquelles d’une colère rentrée, née de deux frustrations. Wade avait été persona non grata à l’hommage rendu à Mamadou Dia, décédé le 25 janvier, à près de cent ans, ce qui était une dure sanction. car cet homme était le parangon de nos valeurs et lui au moins est dans l’Histoire. Malgré les menaces, le chantage, les vociférations de ses lieutenants, il n’avait pas pu empêcher, le 24 mai, la conclusion des Assisses Nationales, tenue sans le flonflon cher au PDS, et qui fut un grand moment de communion : 77 parties prenantes en avaient avalisé la Charte.

La mère des batailles perdue !

Mais 2009 c’est d’abord l’année de la débâcle des élections locales du 22 mars, la première gifle reçue depuis le début de l’Alternance. Débâcle personnelle d’abord car, contrairement aux usages, le Président de la République s’était investi personnellement dans la campagne électorale, avait rechaussé ses bottes de 2000, pour parcourir, deux semaines durant, le pays profond qui ne le voyait plus, et promis monts et merveilles, au point d’en oublier de commémorer le 19 mars, date de son arrivée au pouvoir. Débâcle familiale même puisque son fils faisait son baptême du feu. Escorté de ses « traducteurs » et de porte-parole, Karim faisait les mosquées, les places publiques et les salles de réunion, paradait en avion dans les campagnes et osait son premier mot wolof en public : « Ca kanaam ! » L’incantation n’a pas suffi et sa déception a été grande, car on savait bien que son objectif ce n’était pas seulement d’être conseiller municipal à Dakar, mais de se ménager un tremplin pour un grand destin. Débâcle tout court : Wade et ses alliés n’ont peut-être pas perdu la guerre, mais ils ont perdu une bataille, la « mère des batailles » : Dakar. Pour la première fois depuis l’indépendance, la capitale (et d’autres grandes villes, dont Saint-Louis : un ministre d’Etat pour 50 000 habitants !) passe à l’opposition. Dakar c’est un budget de 39 milliards CFA, la vache à lait des gouvernements, un Mécène incontrôlable, une réserve d’emplois fictifs inépuisable, et le maire sortant était plus attaché à ce poste qu’à celui de deuxième personnalité de l’Etat.

Le Président avait, dit-il, pris acte et compris la leçon, mais il s’était contenté d’un petit toilettage de sa maison, renvoyant quelques dizaines de ministres-conseillers et de chargés de mission, sans aller au-delà des sinécures. Il avait au moins retenu quelque chose car, au retour de ses longues vacances (8 aout / 7 septembre), plutôt que d’aller patauger dans les rues inondées de la banlieue, comme il l’avait fait en 2008, il est rentré sagement à son palais. Ses services de renseignements l’avaient briefé sur le mécontentement et les frustrations populaires et quelques semaines plus tard, le 6 novembre, ils pourront en évaluer la dimension : des milliers de militants de l’opposition et de la société civile défileront boulevard De Gaulle, comme on en avait rarement vu depuis neuf ans. Wade ressortira son arme de destruction massive, une nouvelle coalition baptisée Alliance Sopi pour Demain, mais c’est du réchauffé et ça sent le boucané (20 novembre).

Comme si ce n’était pas assez, il voit aussi s’écrouler deux rêves, les deux évènements qui auraient du constituer son apothéose en 2009 : la tenue du Festival Mondial des Arts Nègres et l’inauguration du Monument de la Renaissance Africaine, deux cérémonies renvoyées aux calendes sénégalaises, encore plus aléatoires que les grecques. Rien ne lui sera épargné et le 27 octobre, il procède à l’enterrement d’une autre idée mirifique : le Fonds Mondial de Solidarité Numérique dont la dissolution est entamée, après une perte sèche de 7,8 millions d’euros !

Du grisbi au Palais !

C’est alors que se produisent deux faits majeurs qui peut-être comptent le plus aux yeux de l’opinion internationale dont il avait tant cherché à se concilier la grâce. Au moment même où en conseil des ministres, il stigmatisait la corruption, éclate l’ « affaire Segura ». Une mallette de devises, l’équivalent de près de 100 millions CFA, juste ce qu’il faut pour sauver les victimes du plomb de Thiaroye, offerts en cadeau à un fonctionnaire international en fin de mission et de surcroît « ennemi » du Sénégal. Corruption or not corruption ? Le 7 décembre, la victime a tranché : corruption, faite en aparté, par le plus haut personnage d’un pays qui est le plus assisté du monde ! Le Président appelle au secours les maires de France pour donner la preuve qu’au moins, là-bas, il n’a pas de propriétés et c’est le moment que choisit la presse pour révéler que Sindiély Wade, miraculeusement préservée des scandales, possédait deux sociétés immobilières dans l’Hexagone. L’autre évènement qui inquiète « la communauté internationale » est l’affirmation par le Président de la République que l’accès au pouvoir suprême n’est plus décidé au Sénégal par la volonté populaire et qu’il est l’apanage exclusif d’un seul homme : c’est tout le crédit de l’Alternance qui est ruiné en quelques mots.

L’année s’est terminée comme elle avait commencé : dans la condamnation et les invectives, mais cette fois c’est le Chef de l’Etat qui est sur la sellette. L’Eglise et les mosquées sont à l’unisson pour décrier sa « boulimie des louanges » et son penchant à s’ériger en donneur de leçons dans des domaines qui ne sont pas de sa compétence.

Si les jeunes, les religieux et les banlieues l’abandonnent qui pourra sauver Wade ?

Pour couronner le tout, une dernière catastrophe : Abdoulaye Wade est terrassé en 12 secondes, par un « un coup de hanche très habile » administré par Forza. Ce n’était que de la lutte, mais quel symbole !

1 commentaire:

Anonyme a dit…

Bonjour,

Nous sommes une association dénommée PROVENCE SENEGAL sise à Pernes les fontaines dans le Vaucluse. Dans le cadre de nos activités de soutien à la femme et à l’enfant en Afrique, nous organisons une journée africaine le 13 juin 2010 à Pernes les fontaines. Le but de cette manifestation est de montrer un visage positif de l’Afrique, et de présenter ce qui se fait de concret sur le terrain. Au programme : Carré des écrivains, Expo d ‘artistes peintres sur le thème de la femme en Afrique, mais aussi stands d’exposition des associations partenaires qui œuvrent en Afrique.
Nous avons pensé que vous seriez intéressés pour présenter au public vos ouvrages ainsi que vos actions sur le terrain. Au cas où vous n'auriez pas la possibilité de venir, nous pouvons faire la promotion de votre dernier livre s'il est disponible sur internet.
Qu'en pensez-vous ?
Une réunion sera programmée mi-mai avec les services de la mairie, partie prenante de cette manifestation.
Pouvez-vous me dire assez rapidement si nous pouvons éventuellement compter sur votre présence.

Louis-Georges Mussard, président.
Association PROVENCE SENEGAL, 1736, route de Monteux, 84210 Pernes les fontaines
Tel : 04 90 30 91 05
Portable : 06 73 12 02 03