NB : Texte publié dans
« Sud-Quotidien » du 8 septembre 2018
Il
est à présent clair que, face à la crise israélo-palestinienne, Donald Trump ne
réagit pas en arbitre et en chef de la première puissance du monde soucieux de
rétablir la paix et de garantir la justice. Contrairement à certains de ses
prédécesseurs, Jimmy Carter ou Bill Clinton notamment, il se présente comme
partie prenante au conflit et fait preuve d’un parti pris clairement affirmé.
Israël peut désormais être considéré comme le 51e État des
Etats-Unis, - (statut refusé à Porto Rico, où l’ouragan Maria avait fait non pas
64 mais 4600 victimes dont le sort avait laissé Donald Trump indifférent) - et
le président américain défend les intérêts de l’État Hébreu avec la même
énergie qu’il mettrait à préserver ceux
de la Floride ou du Minnesota.
Les
pieds en Asie, la tête en Europe !
En
vérité depuis quelques décennies, l’Etat d’Israël était devenu un pays qui a
ses pieds au Proche-Orient et sa tête et son cœur en Europe. On peut dire que
pour une bonne partie de sa population, il n’y a jamais eu vraiment de vrai
« retour à la terre promise ». L’Etat fondé par l’expulsion des
occupants légitimes de la Palestine, qui pour leur malheur n’ont pas de zone de
repli, n’est plus pour certains Israéliens au mieux qu’une résidence secondaire
d’où ils peuvent se livrer à ce qui est devenu depuis l’assassinat d’Yitzhak
Rabin, le jeu favori de leurs dirigeants : humilier les Arabes et tirer à
balles réelles sur des enfants armés de cailloux. Au pire leur pays est un
porte-avion amarré au cœur du monde arabe et d’où partent chaque jour des
missiles qui sèment la mort et laissent des décombres. D’autres citoyens israéliens
ont imaginé une destination du troisième type et su tirer profit de cette
double appartenance :la terre d’ Israël est devenue pour eux un sauf-conduit qui leur
permet d’échapper aux poursuites judiciaires !
Israël
est absent de toutes les manifestations et de tous les regroupements
économiques, culturels ou sportifs qui se déroulent sur le continent asiatique
où pourtant il a ses racines. Il participe depuis quarante-cinq ans au concours
Eurovision de la chanson, dont il a remporté le prix à plusieurs reprises. Il
est partie prenante dans les championnats européens de football ou de basket
dans lesquels ses chances de victoire sont d’ailleurs limitées, alors qu’il
aurait probablement brillé en Asie. Il participe évidemment aux championnats
européens d’athlétisme et vient d’y remporter la première médaille d’or de son histoire,
grâce à une athlète d’origine kenyane qui ignore sans doute que depuis le vote
de la loi sur Israël « État-nation
du peuple juif », elle ne sera jamais malgré sa médaille qu’une citoyenne
de seconde zone. Certains diront que le pays a été contraint d’opérer ce choix
en raison du boycott de ses représentants par les Etats arabes ou musulmans et
du fait que 17 des 31 pays qui refusent de le reconnaitre sont en Asie. Il est
vrai que dans ce domaine le pays a été quelquefois contraint à une forme de
nomadisme continental, mais il faut aussi reconnaitre qu’Israël n’est pas lui
non plus un modèle de tolérance et applique une discrimination à l’encontre de
ceux qui n’approuvent pas sa politique. C’est ainsi que son souhait
d’accueillir l’Eurovision 2019 bute sur un obstacle de taille : son refus
d’autoriser l’entrée de son territoire à tous ceux, et ils sont nombreux, qui
s’indignent des colonies sauvages implantées sur les terres de Cisjordanie ou boycottent les
produits des colons…
La
réalité encore une fois c’est qu’Israël tire profit du boycott dont il est
victime de la part de certains de ses voisins géographiques et, l’occasion
faisant le larron, beaucoup d’Israéliens se réjouissent ouvertement de pouvoir
compétir avec les « pays civilisés » plutôt qu’avec ceux de
« l’Aise compliquée ». En tout cas leur gouvernement n’a manifesté
aucun enthousiasme lorsqu’en 2002 la Ligue Arabe a proposé la reconnaissance de
leur pays par ses membres, ce qui aurait mis fin au boycott, en contrepartie de
la résolution du conflit qui l’oppose aux Palestiniens, dans le cadre de
l’initiative de paix qu’elle avait initiée. Signalons enfin, pour montrer que
ce boycott n’est pas un dogme, que pour la coupe du monde 2022, le Qatar n’a
fait aucune objection à la présence d’une équipe israélienne…
Trump selon Woodward
Depuis
plus d’un an Israël compte plus qu’un simple allié, il a en Donald Trump un militant docile de ses causes, y compris
celles qui sont contraires aux lois internationales. Le président républicain n’a
pas de programme de résolution de la crise israélo-palestinienne, il applique
purement et simplement celui du Premier Ministre israélien et qui repose sur la
provocation et le déni des droits des Palestiniens. Il a fait des adversaires
de l’État Hébreu les ennemis personnels des Etats-Unis et préfère donc faire
ami-ami avec le président nord-coréen, qui, il est vrai, est comme lui un adepte
du jeu des testostérones, que de tenter de discuter avec celui de l’Iran.
Pourtant le premier exerce un pouvoir sans contrôle, possède la bombe atomique
et terrorise ses voisins, alors que le second, qui est le plus modéré des
présidents iraniens depuis le renversement de la monarchie, a été élu
démocratiquement et gouverne sous le contrôle d’un parlement. La différence c’est
que l’Iran est le seul pays du Moyen Orient qui tient encore tête à Israël et
dont les menaces peuvent être prises au sérieux.
Donald
Trump a détruit en un an les principes jusque-là établis d’une résolution d’un
conflit qui est l’un des plus vieux du monde et probablement le plus complexe.
Il a mis à mal le principe de « deux Etats pour deux peuples » qui
faisait consensus au sein de la communauté internationale et décidé unilatéralement de reconnaitre Jérusalem
comme capitale d’Israël et d’y
transférer son ambassade. Il va désormais bien plus loin puisqu’il veut acculer
les Palestiniens à la misère, physique et intellectuelle, en supprimant
quasiment l’aide que leur fournissaient les Etats-Unis et en cessant tout
financement de l’office de secours des 5 millions de réfugiés palestiniens.
C’est désormais à un chantage que se livre le président américain pour faire plier
les Palestiniens à la loi d’Israël. Netanyahou en rêvait, Trump l’a fait !
Pourtant
les autorités israéliennes n’ont aucun intérêt à s’acoquiner avec un homme que
certains n’hésitent plus à comparer à Hitler, tout au moins par son inculture,
sa vulgarité et pour le danger qu’il représente. Après l’écrivain Michael Wolff
et avant le cinéaste Michael Moore, Bob Woodward, le journaliste qui avait
contribué à la chute de Nixon, nous livre dans un brûlot le portrait d’un homme
inquiétant et qui représente tout simplement une menace pour la sécurité des Etats-Unis
et donc pour celle du monde. Les propres conseillers de Trump confient leur
désarroi à la presse, le jugent inapte à
la fonction qu’il occupe, et, pour éviter le pire, lui cachent certains dossiers
ou ne lui transmettent pas certaines informations sensibles. D’autres avouent
qu’ils ne restent à ses côtés que par devoir patriotique et pour l’empêcher de
faire basculer la nation dans la catastrophe.
L’État
d’Israël, au vu de son histoire et des justifications qui ont été à l’origine
de sa création, s’honorerait-il à être le seul féal ami au monde d’un président
dont se défie son propre entourage ?
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