Je suis historien et géographe de formation. J'ai été enseignant-formateur à l’Ecole Normale Supérieure (ENS) de Dakar, puis en charge de différentes structures et directions administratives. A la retraite depuis plusieurs années, je profite de ma liberté recouvrée pour assouvir une vieille passion : écrire. Ces dernières années, j’ai publié deux romans («Mon villages au temps des blancs » en 2000 et «La Raparille» en 2010) ainsi que trois essais (« A mes chers parents gaulois » en 2007 ; "Wade Mecum ou le wadisme en 15 mots" en 2010; "Le temps des choses jamais vues : chronique des années Wade-Sarkozy", 2013). Je publie régulièrement des chroniques dans divers journaux sénégalais (en particulier « Nouvel Horizon » et "Sud Quotidien").

samedi 15 septembre 2018

ISRAËL : 51e ETAT DES ÉTATS-UNIS D’AMERIQUE ?



NB : Texte publié dans « Sud-Quotidien » du 8 septembre 2018

Il est à présent clair que, face à la crise israélo-palestinienne, Donald Trump ne réagit pas en arbitre et en chef de la première puissance du monde soucieux de rétablir la paix et de garantir la justice. Contrairement à certains de ses prédécesseurs, Jimmy Carter ou Bill Clinton notamment, il se présente comme partie prenante au conflit et fait preuve d’un parti pris clairement affirmé. Israël peut désormais être considéré comme le 51e État des Etats-Unis, - (statut refusé à Porto Rico, où l’ouragan Maria avait fait non pas 64 mais 4600 victimes dont le sort avait laissé Donald Trump indifférent) - et le président américain défend les intérêts de l’État Hébreu avec la même énergie  qu’il mettrait à préserver ceux de la Floride ou du Minnesota.

Les pieds en Asie, la tête en Europe !

En vérité depuis quelques décennies, l’Etat d’Israël était devenu un pays qui a ses pieds au Proche-Orient et sa tête et son cœur en Europe. On peut dire que pour une bonne partie de sa population, il n’y a jamais eu vraiment de vrai « retour à la terre promise ». L’Etat fondé par l’expulsion des occupants légitimes de la Palestine, qui pour leur malheur n’ont pas de zone de repli, n’est plus pour certains Israéliens au mieux qu’une résidence secondaire d’où ils peuvent se livrer à ce qui est devenu depuis l’assassinat d’Yitzhak Rabin, le jeu favori de leurs dirigeants : humilier les Arabes et tirer à balles réelles sur des enfants armés de cailloux. Au pire leur pays est un porte-avion amarré au cœur du monde arabe et d’où partent chaque jour des missiles qui sèment la mort et laissent des décombres. D’autres citoyens israéliens ont imaginé une destination du troisième type et su tirer profit de cette double appartenance :la terre d’ Israël  est devenue pour eux un sauf-conduit qui leur permet d’échapper aux poursuites judiciaires !

Israël est absent de toutes les manifestations et de tous les regroupements économiques, culturels ou sportifs qui se déroulent sur le continent asiatique où pourtant il a ses racines. Il participe depuis quarante-cinq ans au concours Eurovision de la chanson, dont il a remporté le prix à plusieurs reprises. Il est partie prenante dans les championnats européens de football ou de basket dans lesquels ses chances de victoire sont d’ailleurs limitées, alors qu’il aurait probablement brillé en Asie. Il participe évidemment aux championnats européens d’athlétisme et vient d’y remporter la première médaille d’or de son histoire, grâce à une athlète d’origine kenyane qui ignore sans doute que depuis le vote de  la loi sur Israël « État-nation du peuple juif », elle ne sera jamais malgré sa médaille qu’une citoyenne de seconde zone. Certains diront que le pays a été contraint d’opérer ce choix en raison du boycott de ses représentants par les Etats arabes ou musulmans et du fait que 17 des 31 pays qui refusent de le reconnaitre sont en Asie. Il est vrai que dans ce domaine le pays a été quelquefois contraint à une forme de nomadisme continental, mais il faut aussi reconnaitre qu’Israël n’est pas lui non plus un modèle de tolérance et applique une discrimination à l’encontre de ceux qui n’approuvent pas sa politique. C’est ainsi que son souhait d’accueillir l’Eurovision 2019 bute sur un obstacle de taille : son refus d’autoriser l’entrée de son territoire à tous ceux, et ils sont nombreux, qui s’indignent des colonies sauvages implantées sur les  terres de Cisjordanie ou boycottent les produits des colons…

La réalité encore une fois c’est qu’Israël tire profit du boycott dont il est victime de la part de certains de ses voisins géographiques et, l’occasion faisant le larron, beaucoup d’Israéliens se réjouissent ouvertement de pouvoir compétir avec les « pays civilisés » plutôt qu’avec ceux de « l’Aise compliquée ». En tout cas leur gouvernement n’a manifesté aucun enthousiasme lorsqu’en 2002 la Ligue Arabe a proposé la reconnaissance de leur pays par ses membres, ce qui aurait mis fin au boycott, en contrepartie de la résolution du conflit qui l’oppose aux Palestiniens, dans le cadre de l’initiative de paix qu’elle avait initiée. Signalons enfin, pour montrer que ce boycott n’est pas un dogme, que pour la coupe du monde 2022, le Qatar n’a fait aucune objection à la présence d’une équipe israélienne…

Trump selon Woodward

Depuis plus d’un an Israël compte plus qu’un simple allié, il a en Donald Trump  un militant docile de ses causes, y compris celles qui sont contraires aux lois internationales. Le président républicain n’a pas de programme de résolution de la crise israélo-palestinienne, il applique purement et simplement celui du Premier Ministre israélien et qui repose sur la provocation et le déni des droits des Palestiniens. Il a fait des adversaires de l’État Hébreu les ennemis personnels des Etats-Unis et préfère donc faire ami-ami avec le président nord-coréen, qui, il est vrai, est comme lui un adepte du jeu des testostérones, que de tenter de discuter avec celui de l’Iran. Pourtant le premier exerce un pouvoir sans contrôle, possède la bombe atomique et terrorise ses voisins, alors que le second, qui est le plus modéré des présidents iraniens depuis le renversement de la monarchie, a été élu démocratiquement et gouverne sous le contrôle d’un parlement. La différence c’est que l’Iran est le seul pays du Moyen Orient qui tient encore tête à Israël et dont les menaces peuvent être prises au sérieux.

Donald Trump a détruit en un an les principes jusque-là établis d’une résolution d’un conflit qui est l’un des plus vieux du monde et probablement le plus complexe. Il a mis à mal le principe de « deux Etats pour deux peuples » qui faisait consensus au sein de la communauté internationale et  décidé unilatéralement de reconnaitre Jérusalem comme capitale d’Israël  et d’y transférer son ambassade. Il va désormais bien plus loin puisqu’il veut acculer les Palestiniens à la misère, physique et intellectuelle, en supprimant quasiment l’aide que leur fournissaient les Etats-Unis et en cessant tout financement de l’office de secours des 5 millions de réfugiés palestiniens. C’est désormais à un chantage que se livre le président américain pour faire plier les Palestiniens à la loi d’Israël. Netanyahou en rêvait, Trump l’a fait !

Pourtant les autorités israéliennes n’ont aucun intérêt à s’acoquiner avec un homme que certains n’hésitent plus à comparer à Hitler, tout au moins par son inculture, sa vulgarité et pour le danger qu’il représente. Après l’écrivain Michael Wolff et avant le cinéaste Michael Moore, Bob Woodward, le journaliste qui avait contribué à la chute de Nixon, nous livre dans un brûlot le portrait d’un homme inquiétant et qui représente tout simplement une menace pour la sécurité des Etats-Unis et donc pour celle du monde. Les propres conseillers de Trump confient leur désarroi à  la presse, le jugent inapte à la fonction qu’il occupe, et, pour éviter le pire, lui cachent certains dossiers ou ne lui transmettent pas certaines informations sensibles. D’autres avouent qu’ils ne restent à ses côtés que par devoir patriotique et pour l’empêcher de faire basculer la nation dans la catastrophe.

L’État d’Israël, au vu de son histoire et des justifications qui ont été à l’origine de sa création, s’honorerait-il à être le seul féal ami au monde d’un président dont se défie son propre entourage ?

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