Je suis historien et géographe de formation. J'ai été enseignant-formateur à l’Ecole Normale Supérieure (ENS) de Dakar, puis en charge de différentes structures et directions administratives. A la retraite depuis plusieurs années, je profite de ma liberté recouvrée pour assouvir une vieille passion : écrire. Ces dernières années, j’ai publié deux romans («Mon villages au temps des blancs » en 2000 et «La Raparille» en 2010) ainsi que trois essais (« A mes chers parents gaulois » en 2007 ; "Wade Mecum ou le wadisme en 15 mots" en 2010; "Le temps des choses jamais vues : chronique des années Wade-Sarkozy", 2013). Je publie régulièrement des chroniques dans divers journaux sénégalais (en particulier « Nouvel Horizon » et "Sud Quotidien").

lundi 15 août 2011

L’Afrique face à ceux qui veulent « avoir raison par extermination de l’adversaire »

NB Le texte qui suit est une communication qui a été présentée lors d'un symposium organisé à Saint-Louis par la maison d'édition "Le Nègre International" (juin 2011). La citation dans le titre et celles entre guillemets tout au long du texte sont empruntées à Paul Valéry (Œuvres I, La Pléiade).


L’actualité récente et les évènements que nous vivons depuis le début de l’année nous renvoient l’image d’une Afrique reléguée plus que jamais à la périphérie de ce que l’on appelle communément la communauté internationale, une Afrique dont la voix n’est ni audible ni écoutée. Libye, Côte d’Ivoire, entre autres, ce sont autant de signes que notre continent n’est sorti de la dépendance coloniale que pour tomber dans une autre, encore plus traumatisante, celle de la pensée unique et du politiquement correct imposés par l’Occident.

Je me contenterai de rappeler quelques faits significatifs.

À Benghazi, des populations exaspérées par un régime autocratique et liberticide, se sont révoltées et ont exigé le départ de celui qui, depuis des décennies, les soumet à sa volonté… Au même moment, et pour les mêmes raisons, à Manama, d’autres populations ont exprimé les mêmes revendications à l’encontre d’une autre dictature toute aussi ancienne, avec cette différence qu’elles ont marché les mains nues, alors qu’à Benghazi, les rebelles s’emparaient des armes et pillaient les dépôts de munitions. Face à ces deux revendications justifiées, la communauté internationale a-t-elle tenu le même langage et exprimé les mêmes exigences ? Que non ! A Benghazi, elle a soutenu les rebelles, leur a apporté son soutien financier, mis ses moyens militaires à leur disposition, constitué une coalition de justiciers et exigé le départ du dictateur, n’hésitant même pas à éliminer physiquement des membres de sa famille, y compris des enfants, elle qui, ailleurs, pourfend les punitions collectives et les massacres de populations civiles. A Manama, elle a, tout au contraire, porté secours au dictateur, conforté son armée pour mieux écraser les manifestants, y compris dans le sang. L’Afrique n’a pas relevé ce deux poids deux mesures, ni exigé des comptes à ceux qui se sont érigés en gendarmes du monde. Il a fallu la voix de l’évêque de Tripoli pour déplorer qu’en Libye, l’OTAN fasse ce qu’elle reproche à Kadhafi, tuer des innocents, et l’Alliance atlantique, acculée, a fini par reconnaître qu’elle y a commis des bavures, ce qui est le nom qu’on donne aux crimes de guerre lorsqu’ils sont le fait des grandes puissances !

Autre région, autre paradoxe. En Côte d’Ivoire, pendant quatre mois, deux hommes ont pris leur peuple en otage, se sont battus à coups de diatribes puis à coups de canon et défendu des positions diamétralement opposées. Pendant ces quatre mois, c’est un fonctionnaire des Nations-Unies résidant à Abidjan, relevant lui-même d’un autre haut fonctionnaire onusien basé à Dakar, qui, seul, a exercé des fonctions comparables à celles qui avaient été confiées au Général Mac Arthur au Japon au lendemain de la deuxième guerre mondiale, comptant les coups, assumant à la fois le rôle d’arbitre et de procureur, décidant qui il fallait aider, qui il fallait sanctionner...L’Afrique n’a pas relevé cet excès de pouvoir ni tenté d’imposer sa voix dans un débat qui la concernait en premier lieu.

Loin de moi l’idée de défendre les deux forcenés, les deux illuminés que sont Kadhafi et Gbagbo. Ce que je regrette c’est que, dans les deux cas, l’Afrique soit restée désespérément inaudible et muette. Ce que je déplore c’est ce manque de logique et cette usurpation de pouvoir de la part de pays si prompts à nous faire la leçon. Ce que j’observe, c’est que, dans ces deux cas, « l’important (n’est plus) à notre discrétion », alors que c’est notre propre existence qui est en jeu.

J’observe que nous vivons un évènement historique qui consacre la fin des blocs et l’avènement d’une union sacro-sainte des privilégiés : une minorité d’hommes et d’États, puissants économiquement mais qui ne représentent qu’une très faible portion de l’Humanité, ont reconquis et monopolisent le privilège d’être les seuls gardiens de la légalité et de la morale. Parmi ces pays vertueux, on peut compter celui qui a mené contre l’Irak une guerre illégale condamnée par le monde entier, qui porte sur la conscience les bombes au napalm sur le Viêt-Nam, les humiliations d’Abu Graïa et de Guantanamo, qui a délocalisé les tortures qu’il infligeait à ses prisonniers... Jamais, depuis longtemps, la politique extérieure et le sort de l’Humanité n’ont été comme aujourd’hui le jeu de cette minorité qui, en réalité, n’agit qu’en fonction de ses propres intérêts et de ses ambitions. Elle a la devise de General Motors : ce qui est bon pour elle est bon pour le monde, sa vérité est la vérité universelle. Le vote de la Résolution 1973 du Conseil de Sécurité autorisant l’usage de la force contre Kadhafi illustre parfaitement cette situation. Les deux pays les plus peuplés d’Asie, donc du monde (Chine et Inde), les deux pays les plus peuplés d’Europe (Russie et Allemagne), le pays le plus peuplé d’Amérique Latine (le Brésil), cinq nations qui représentent plus de la moitié de l’Humanité, ne l’ont pas votée, la quasi-totalité des États africains ne l’approuvent pas, et pourtant les médias du monde entier, y compris les nôtres, ont écrit ou publié, sans restrictions ni nuances, qu’elle était l’émanation de toute la communauté internationale. Le Nord ne nous impose pas seulement ses idées, il nous impose aussi ses mots pour les dire.

Les pays du Sud et l’Afrique en particulier assistent ainsi, impuissants et parfois complaisants, à l’abandon progressif de leur personnalité, de leur spécificité, de leur autorité, pour épouser celles du Nord. Nous, peuples du Sud, sommes tous sous la tentation de basculer dans la culture, les lois, les exigences des nations dominantes sans opposer aucune résistance et quelquefois, c’est nous-mêmes qui allons au devant de leurs désirs. L’Union Africaine n’a rien fait pour faire prévaloir sa propre interprétation des évènements qui ont secoué la Libye et certains chefs d’États, dont le président Wade, se sont alignés sur les positions de leurs collègues du Nord, comme pour les légitimer. L’Afrique avait été snobée par la réunion convoquée à Paris à l’initiative de la France pour lancer une croisade contre Kadhafi, alors qu’elle tenait au même moment un sommet à Nouakchott pour tenter une solution plus politique que militaire. Aucune indignation n’est venue d’Addis-Abeba pour protester contre cette capture de la crise libyenne, ou contre l’interprétation abusive des décisions arrêtées par le Conseil de Sécurité. Aucun des organismes régionaux concernés par ces crises (UMA, CEDEAO) ne s’est impliqué pour limiter l’emprise de la France ou de l’ONU en Côte d’Ivoire et en Libye, autrement que par de vaines palabres, alors que, pour ce qui concerne la crise ivoirienne notamment, la suite des évènements allait révéler qu’il suffisait d’une demi-douzaine d’hélicoptères pour en venir à bout. Comment dès lors s’étonner que Hillary Clinton tienne à Addis-Abeba même un discours qui rappelle celui que la France tenait dans ce qu’elle appelait les pays du champ, insultant pour notre dignité et lourd de menaces.

L’Occident continue donc à décider de notre sort à coups de résolutions et quelquefois par la force militaire, alors même qu’il sait par expérience que la guerre n’a jamais été le meilleur moyen pour résoudre une crise. Il se donne par ailleurs le beau rôle et tente de nous faire croire que cet activisme n’est inspiré que par des considérations d’ordre éthique et humanitaire, et tout particulièrement par le souci de sauver des vies humaines. Pourtant au moment même où Kadhafi menaçait de mort ses concitoyens (accusation démentie par des experts indépendants), des bombes israéliennes s’abattaient sur des civils palestiniens innocents et aucune voix ne s’est élevée au Nord pour préconiser l’établissement d’une no fly zone au dessus de Gaza. Pourtant si le guide libyen s’était contenté de proférer des menaces, le président syrien, lui, est passé aux actes en massacrant les manifestants, et continue à bénéficier de l’indulgence de l’Occident : le tort de l’Afrique serait-il de ne pas s’être donné un parrain, comme la Syrie, la Corée du Nord ou Israël ? C’est au nom de la même logique et des mêmes partis pris qu’on veut juger Habré sans inquiéter Deby, qu’on avait emprisonné Bemba en laissant Patassé libre, que le procureur de la Cour Pénale Internationale se lance au trousses de Gbagbo, mais ignore les responsabilités de Bush dans les tortures à Guantanamo ou en Irak ! Cette incohérence n’a qu’une explication : ce ne sont pas les principes, mais les intérêts qui gouvernent l’interventionnisme occidental. La France qui s’est érigée en leader de la coalition anti Kadhafi, alors que la Libye n’a jamais appartenu à sa zone d’influence, avait eu moins de pudeur, dans les années 70, lorsqu’elle armait ce pays au-delà de ses besoins, et il y a deux ans encore, elle manifestait moins de scrupules lorsque Sarkozy accueillait son chef en grandes pompes, malgré les réticences de sa ministre chargée de droits de l’homme, tentait de lui refiler des avions qui ne trouvaient aucun preneur et n’hésitait pas à proposer des centrales nucléaires à l’imprévisible guide libyen.

Les évènements survenus en Côte d’Ivoire, en Tunisie et en Libye devraient donc servir à tordre le cou à un certain nombre d’idées reçues et de vérités jamais démontrées que nous recevons comme paroles d’évangile et répétons à qui mieux-mieux. Tous ces pays qui se disputent le privilège d’être les patries des droits de l’homme et citaient en exemple la révolte populaire en Tunisie, s’accorderont à refuser aux immigrés tunisiens des droits aussi élémentaires que celui de la libre circulation ou celui d’aller à la recherche de travail. Il a suffi du débarquement de 20.000 d’entre eux pour mettre en émoi 500 millions d’Européens face à ce qu’ils ont qualifié d’exode biblique ! L’Occident nous leurre en se réclamant d’un droit d’ingérence humanitaire, dont il est le seul usager, qui se passe de l’aval du pays bénéficiaire et ne figure dans aucune convention internationale. Ce prétendu droit n’est souvent qu’une déclaration de guerre déguisée, dirigée exclusivement contre les faibles. Sinon comment expliquer qu’il profite au peuple libyen et non à ceux de Gaza ou de la Tchétchénie ? Comme le souligne un observateur averti, les seuls droits qui ont fait l’objet de débats ou figurent dans des protocoles et qu’on invoque pourtant rarement sont d’une part le droit d’assistance humaine, qui implique l’accord du pays concerné, et d’autre part la responsabilité protégée, notion généreuse inventée par le Canada, qui est un principe et non une obligation et qui dépasse la simple intervention puisqu’elle inclut la prévention et la réparation. La réalité donc, c’est que la plupart des interventions militaires opérées en Afrique par les pays du Nord sont prioritairement destinées à protéger leurs intérêts et cela est valable pour la Côte d’Ivoire comme pour la Libye. Le zèle que manifeste la France dans la croisade contre Kadhafi ne s’explique-t-il pas par l’espoir que les frappes de ses avions feront la publicité des Rafale de Dassault grâce à un très opportuniste retour d’expérience au combat ? Les résolutions de l’ONU viennent opportunément couvrir ces forfaits et les actions menées actuellement en Libye, tout le monde le reconnait aujourd’hui, n’ont rien à voir avec le contenu de la Résolution 1973.

La vérité, c’est que l’Afrique, malgré son milliard d’habitants, a perdu « la force d’être libre et la volonté d’être égale » avec ses partenaires du Nord, comme elle en avait pris l’engagement il y a quelques décennies. Nous sommes au paroxysme de l’occidentalo-centrisme, à l’ère où une poignée de pays qui se sont autoproclamés communauté internationale, manipulent le monde en se servant d’une force obscure et insidieuse qui constitue une véritable police de l’esprit, se moquent de la raison et de la logique dont ils revendiquent la paternité. Par notre silence, notre inaction nous donnons raison à ceux qui, comme V.S. Naipaul, affirmaient que nous sommes les premiers responsables de notre sort et qu’en quelque sorte nous nous autodétruisons.

Voila pourquoi nous devons, comme nous y appelle Stéphane Hessel, proclamer que la première urgence pour nous, ressortissants des pays opprimés, est le respect de notre dignité.

Je m’indigne donc que nous lâchions trop vite et trop souvent nos repères et notre héritage au profit des signes mouvants que le Nord nous tend et dont la brillance nous fascine.

Je m’indigne des « convictions naïvement et secrètement meurtrières » de l’Occident américano-européen qui ne croit qu’à ses propres vérités, s’approprie des valeurs souvent universelles, croit avoir raison en étouffant les voix des autres, dicte ses lois au monde et exerce son propre pouvoir de discernement qui échappe à tous les contrôles.

Je m’indigne, par exemple, lorsque les pays du Nord posent comme conditions pour nous accepter, nous traiter en hôtes, amis, frères ou concitoyens, que nous sacrifions au préalable nos cultures d’origine, notre foi, et jusqu’à nos noms et nos façons de nous vêtir. Certes le phénomène n’est pas nouveau, c’était même un des fondements des rapports entre colonisés et colonisateurs, mais je pensais qu’il relevait d’un autre temps, celui de l’injustice et du mépris culturel, et que le temps que nous vivons reconnaissait le droit à la différence. Il ne s’agit pas d’imposer aux autochtones les lois ou les croyances des immigrés, il s’agit simplement de donner à ceux-ci un peu plus de temps, car l’assimilation doit être un processus et non un préalable En France, observe Alain Touraine, « la distance ne cesse de s’accroitre entre « vivons ensemble » et « vivons avec nos différences », (alors) qu’on doit, et on peut, combiner les deux, c’est-à-dire renouveler la figure moderne de la démocratie… Il faut seulement à la fois reconnaitre le pluralisme et maintenir des règles de droit universalistes ». L’identité est au-delà de la nationalité, et un jour ou l’autre, les enfants ou les petits enfants de tous ceux qui auront préféré renier leurs racines éprouveront comme un manque ou se sentiront mutilés.

Je m’indigne lorsqu’une femme, un homme, renient celui ou celle qu’ils appelaient ami, amie, leur refusent, à eux ou à leur famille toute hospitalité, font saisir leurs biens, les vilipendent à toutes les occasions, sans que cet ami ou cette amie aient eu un geste, un comportement différents de ceux qu’ils avaient auparavant, lorsqu’ils étaient l’objet de toutes les sollicitudes, au seul motif qu’en cessant d’être puissants, ils sont devenus des parias ! C’est pourtant ce que le monde occidental dans son ensemble, la France, le Royaume Uni et les Etats-Unis en particulier, ont fait à l’endroit de Ben Ali, de Moubarak, et, avant eux, de Mobutu ou du Chah d’Iran. Toutes ces personnalités étaient certes peu recommandables, mais elles ne le sont pas devenues du jour au lendemain, elles ont bâti leur exécrable réputation au fil de longues années, et ceux qui les ont reniés brutalement étaient les mieux placés pour le savoir parce qu’ils ont été souvent leurs protecteurs, leurs complices, voire leurs receleurs. Voila comment se construisent les amitiés compromettantes, celles contre lesquelles le sage peulh nous avait mis en garde : elles sont, disait-il, comme un doigt gangrené, si vous le coupez tout de suite, cela peut faire mal, mais vous en êtes débarrassé, si vous le laissez pourrir sa puanteur vous tuera ! Mais, en Occident, lorsqu’il s’agit du Sud, on confond toujours l’État et le peuple : Ben Ali n’était que le symbole du premier, et c’est pour exiger sa prééminence et l’espace de liberté qu’il lui refusait avec la complicité de ses protecteurs, que le peuple tunisien a mis fin à sa dictature.

Je suis indigné et puisqu’on en est là, autant vider la boite de Pandore, épancher toute ma frustration contre tous ceux qui veulent « avoir raison par extermination de l’adversaire ».

Je m’indigne lorsque tous ces gestionnaires de notre conscience font porter la faute d’un homme ou d’un groupe d’hommes à l’ensemble de la collectivité à laquelle ils appartiennent, à leurs famille, communauté ou peuple, alors même qu’aucune preuve ne justifie cette complicité supposée, et que quelquefois même les famille, collectivité ou peuple stipendiés avaient exprimé leurs réserves ou leur rejet des prises de position et des actes des parents qu’on leur prête. C’est ce que fait tous les jours la communauté internationale lorsque, par exemple, chaque crime commis par des terroristes pour lesquels elle a inventé le néologisme d’islamistes, conduit à une stigmatisation de l’ensemble du monde musulman. Elle fait semblant d’ignorer que l’Islam, comme toutes les religions, est traversé d’antagonismes, et préfère ranger dans le même panier des organisations très diverses, dans le fond comme dans la forme. Elle refuse de reconnaitre que les groupuscules qui recourent à la violence et qu’elle désigne sous le vocable de fondamentalistes, ne revendiquent que quelques milliers, quelques dizaines de milliers tout au plus, de personnes, alors qu’il y a près d’un milliard de musulmans dans le monde, que tous les mouvements dits islamistes ne sont pas violents, et que certains reconnaissent la nécessité d’une gestion démocratique du pouvoir (Frères Musulmans en Egypte, Ennada en Tunisie, AKP en Turquie dont le nom officiel est « Parti pour la Justice et le Développement », mais que les Occidentaux s’obstinent à appeler islamique). Elle ne tient pas compte de ce fait historique que depuis trente ans, les terres d’Islam sont le siège de presque toutes les guerres qui se font dans le monde, et ne se pose pas la question de savoir si l’usage de la force étrangère dans ces pays n’a pas créé des frustrations dont certaines s’expriment par des violences qui sont plus politiques que religieuses. Elle oublie qu’en 2011, l’Islam a 1432 ans et que quand le Christianisme avait un âge comparable, les papes s’appelaient Borgia et n’étaient pas des modèles de vertu, et que l’Inquisition, tribunal catholique d’exception, pendait ou brûlait les hérétiques par milliers. Elle refuse d’accepter que les musulmans partagent certes les cinq piliers fondamentaux, mais appartiennent à des rites, des écoles juridiques parfois très différents et pas forcément solidaires, que l’Islam d’aujourd’hui n’est pas celui d’il y a un siècle, et que c’est insulter l’avenir que d’ignorer ce principe selon lequel ce qui dure, c’est ce qui peut changer.

Mais la confusion la plus subtile est d’ordre sémantique et révèle que l’européocentrisme est aussi une question de langage. L’Islam ne connait pas la notion d’orthodoxie mais seulement celle de majorité et paradoxalement, dans la terminologie occidentale, le néologisme islamiste, désigne non pas la majorité des musulmans, c’est-à-dire ceux qui sont respectueux des préceptes de l’Islam, mais ceux qui les violent par l’usage d’une violence aveugle dont les victimes sont d’autres musulmans, puisque depuis dix ans, sur les 136 attentats qui leur sont attribués à travers le monde, 124 ont eu lieu en terres d’Islam. A ma connaissance il n’y a ni de christianistes ni de juifistes ou israélistes, alors qu’il existe des combattants armés ou des organisations terroristes qui fondent leurs revendications sur le Christianisme ou sur la religion juive. L’Occident est la seule à considérer les terroristes d’Afghanistan ou d’ailleurs comme les symboles de l’Islam, alors qu’aucune autorité politique ou religieuse musulmane reconnue n’a exprimé un soutien aux mouvements dits islamistes ou reconnu la légitimité de leur combat. Ni La Mecque ni Médine ni Al Azar, ni aucune confrérie d’Afrique Noire, ne se sont senties parties prenantes de leurs actes ou de leurs revendications. Cette position n’est pas de circonstance : l’Umma, qui cultive la solidarité et la protection mutuelle entre musulmans, ne peut que stigmatiser des mouvements dont, nous l’avons vu, les principales victimes sont les musulmans, alors que l’Islam condamne sans ambigüité tous les actes humains qui ne font que du mal, et proclame que tuer un innocent, c’est assassiner l’Humanité. Quand on sait par ailleurs que c’est l’unanimité, la généralité ou, pour le moins, l’opinion de la majorité de la Communauté, qui fait loi en Islam, on ne peut que s’étonner que ce soit une petite minorité désavouée par plus de 99% des fidèles qui se voit attribuer l’appartenance musulmane et monopolise l’appellation islamiste.

Le terrorisme, a dit un sage, c’est de vouloir imposer une connerie par la violence. Il serait donc plus juste, et surtout plus productif, si les insensés qui de par le monde, en Afghanistan ou en Irak notamment, sèment la mort et la désolation au sein de populations innocentes et dans leurs propres familles, étaient simplement désignés sous le vocable de cons.

Je m’indigne lorsqu’un grand pays use de sa force, et non de la vérité ou de la justice, pour s’opposer tout seul, à la volonté des deux cents autres nations qui composent l’ONU, et qu’il refuse la condamnation des actes de violence ou le viol des lois internationales commis par lui ou par le pays qu’il prend sous son aile protectrice. C’est ce que font tous les jours les Etats-Unis et Israël, le premier en usant de son droit de veto, le second en défiant le reste du monde.

Je m’indigne lorsqu’une nation qui revendique le titre de garant des libertés universelles, et aurait donc du donner l’exemple, refuse sa participation ou son agrément à des pactes ou des organismes voulus par le reste du monde, mais cherche néanmoins à imposer sa volonté dans le fonctionnement de ceux-ci. Les Etats-Unis boycottent les organisations les plus avancées en matière de défense des droits de l’homme, de l’environnement, du désarmement, mais s’acharnent à vouloir fixer les contours de leurs délibérations.

Je m’indigne lorsque la communauté occidentale juge que le Sud Soudan a droit à l’indépendance, au prétexte qu’il est à majorité chrétienne contrairement au Nord musulman, mais n’élève pas la voix en revanche lorsque la Fédération de Russie se donne le droit de refuser l’indépendance à la Tchétchénie ou au Daguestan, qui ne sont ni slaves ni orthodoxes, et n’avaient été intégrés à l’URSS que par la force des armes.

Je m’indigne lorsqu’on trouve tout naturel que le Front National, ouvertement raciste et xénophobe, soit reconnu en France comme un interlocuteur politique acceptable, siégeant dans les assemblées représentatives et dans les débats publics, et qu’on veuille imposer à l’Egypte ou à la Tunisie de bannir de la scène politique et médiatique des partis dits islamiques qui ne sont ni racistes ni xénophobes ni terroristes.

Je m’indigne lorsque Nicolas Sarkozy cherche à nous convaincre que pour parler de liberté et de démocratie à la Chine, il faut le faire avec tact et en aparté, dans le secret des boudoirs et non sur la place publique, alors que pour l’Iran et les pays du Sud, il faut le crier devant les médias, user de menaces et de mesures de rétorsion. Ou lorsqu’il prend le risque de mettre en mal les relations diplomatiques entre la France et le Mexique pour défendre une femme accusée de crimes de droit commun (prise d’otages, trafic de drogue), mais ne lève pas le petit doigt pour prendre en charge le sort d’un Français détenu en Israël suite à des accusations de délits politiques que tout le monde trouve infondées. Il est vrai que, contrairement à Florence Cassez, ce Français-là, Salah Hamouri, ancien étudiant à l’université de Bethlehem, est un franco-arabe et ceci peut expliquer cela.

Je m’indigne lorsque le même Sarkozy vient chez nous, au Sénégal, nous insulter, nous donner des leçons de démocratie et de bonne gouvernance et qu’il conteste avec véhémence au président Wade le droit de dicter à la France sa politique étrangère.

Je m’indigne lorsque la communauté internationale, qui s’élève avec juste raison contre l’expulsion plus ou moins forcée des Chrétiens d’Irak, se tait lorsque Israël pousse à l’exode et à la fuite plus d’un million d’Arabes, chrétiens ou musulmans, qui ne sont ni des immigrés ni des terroristes, mais des autochtones qui devraient avoir les mêmes droits à leur terre natale que les Chrétiens de Mésopotamie.

Je m’indigne, et, vous l’avez compris, c’est sans doute la mère de mes indignations, du sort qui est fait au peuple palestinien et aux Arabes israéliens considérés comme des citoyens de seconde zone dans un État qui se veut ethnique et qui sont sommés de renier leur identité. Je m’indigne de l’incapacité de l’Afrique à s’aligner, pour le moins, sur les positions de l’Amérique du Sud qui a reconnu l’État palestinien. Pourtant nous Africains, sommes bien placés pour imaginer ce que serait le désarroi des habitants de Cotonou ou de Luanda si, un jour, des noirs venus du Brésil ou d’Haïti estimaient que le Bénin ou l’Angola étaient la terre de leurs ancêtres et se donnaient le droit, non de cohabiter avec eux, mais de les bouter hors de leurs pays de naissance. Je suis désespéré de voir tout un peuple relégué derrière des murs, et de savoir que les bâtisseurs de ces mûrs sont les descendants des martyrs du ghetto de Varsovie, du sort de populations de Gaza ou de Cisjordanie qui vivent dans une prison à ciel ouvert, n’ont quelquefois accès ni à leurs cimetières ni à leurs lieux de prières, dont les terres arables sont raclées de leurs pellicules fertiles, les oliveraies centenaires arrachées au bulldozer, les habitations dynamitées ou délabrées, parce que l’importation de ciment est considérée comme un acte de guerre et donc prohibée, dont les productions agricoles sont pourries par les check-points, dont les enfants sont bercés par les tirs de missiles, dont les hommes et les femmes sont soumis à des sanctions collectives, punis pour les actes commis par leurs enfants, même quand ceux-ci sont des hommes et des femmes majeurs, donc seuls responsables de leurs actes.

La Palestine, c’est le plus grand scandale et la plus grande injustice que la communauté internationale nous impose aujourd’hui.

Mon indignation n’est certes qu’une goutte d’eau dans la mer, mais ce sont quand même les gouttes d’eau qui font la mer !

INSTRUMENTALISATION !

NB Le texte qui suit a été publié en juillet par "Le Nouvel Horizon"

C’est peut-être le signe d’une crise de confiance, mais il y a de plus en plus de Sénégalais, d’hommes politiques notamment, qui hésitent à assumer leurs responsabilités, ont recours à des personnalités de plus grande envergure, à des concepts ou à des emblèmes, pour justifier leurs comportements, expliquer leurs choix, fonder leurs arguments. Autrefois, on se prévalait de l’éducation reçue à la maison, dispensée par les parents, aujourd’hui on juge cette référence sans gloire, on se réfugie auprès d’icônes mieux cotées, plus prestigieuses. Des hommes et des femmes tirent donc profit de la réputation des autres, ou du prestige de certains symboles, les « utilisent à leur profit » : c’est précisément la définition même de ce que l’on appelle communément « l’instrumentalisation ». Le vivier dans lequel ils puisent leur inspiration est divers et varié, fait de notions vagues et idéalisées et aussi d’images bien concrètes. Combien parmi nos compatriotes, et pas seulement les politiques, aiment par exemple, en appeler au peuple pour renforcer ou justifier leurs actes ou leurs ambitions, transformer leur goût du pouvoir en sacrifice ? Tel ce sportif au talent incontestable, mais aussi à l’humeur incontrôlable, qui annonce sur une radio internationale, qu’au fond, il n’avait aucune envie de jouer dans l’équipe nationale, mais que son peuple l’y appelait avec insistance ! Le peuple est bonne fille et les politiques, même les plus sages, usent et abusent de sa disponibilité. Tous nous répètent qu’ils attendent son appel et quand celui-ci tarde trop ou qu’il nous est inaudible, c’est encore eux qui nous rassurent. « Il » les a appelés, il insiste, ils sont bien obligés d’écouter sa voix et de solliciter ce poste, cet honneur auxquels nous les croyions mal préparés. Car le peuple ne vous appelle pas pour être gardien d’immeuble, mais pour être président de la République ! Et quand ils sont au pouvoir et que nous avons l’impression que rien ne marche, qu’ils ne tiennent pas leurs promesses, ces heureux élus nous assurent que ce n’est pas l’avis du peuple qui chaque jour leur manifeste son soutien. Quand ils tombent, d’autres politiciens cherchent à nous convaincre que c’est encore la volonté du peuple… Je suis donc sorti dans la rue pour le rencontrer, il doit bien exister, être visible, lui qui est si exubérant. J’ai rencontré des hommes et des femmes, leurs avis étaient différents et toujours personnels, aucun ne m’a dit qu’il était ce peuple qui était l’objet de ma quête. Le peuple ne serait-il qu’illusion ? En tout cas, à force de servir, le concept se dégrade et s’épuise, il prend une mauvaise image : il paraît trop fruste, trop désordonné et incontrôlable. Alors on lui préférera la notion de société civile qui est sa version soft, plus moderne, cultivée, intelligente. Quelquefois des hommes qui ont échoué à convaincre le peuple, ou qui se croient incompris, se recyclent en représentants de la société civile. Mais si le concept change, l’objectif reste le même…

Le terreau sur lequel prospère l’instrumentalisation reste néanmoins la religion, et plus précisément les guides religieux, comme l’illustre l’accaparement mémoriel dont a fait preuve le président du groupe parlementaire libéral à l’Assemblée Nationale. Le forfait a eu lieu devant les caméras avec juste ce qu’il faut d’émotion et de gravité, avec pour victime, si l’on peut dire, une figure qui, de par son exceptionnelle stature, devrait être tenue loin, très loin, des expédients politiques…
Petit retour en arrière.
Après la publication du communiqué portant proposition de loi pour l’instauration d’un ticket présidentiel, les membres du Gouvernement et les plus hauts responsables de la majorité présidentielle étaient unanimes – à l’exception de quelques égarés bien connus – à saluer cette inouïe et solitaire initiative du président Wade. Le Chef de l’Etat ne s’était pas contenté d’assommer l’opposition, selon son mot, il avait, disaient-ils, approfondi notre démocratie, il avait tordu le coup à cette exécrable légende selon laquelle il songerait à installer son fils au pouvoir. Il avait parfait la réforme initiée en 2009 portant création d’un poste de vice président nommé par ses soins, votée en procédure d’urgence et restée ensuite lettre morte, en donnant désormais une légitimité populaire à cette fonction. Aucun de ces laudateurs patentés n’avait alors relevé ce qui était le péché originel de ce projet de loi : la désinvolture et la précipitation qui ont présidé à sa rédaction, son caractère inopportun et provoquant à quelques mois des élections présidentielles, alors que la loi fondamentale que Wade avait fait approuver par la quasi-totalité des Sénégalais avait déjà été enlaidie et violée par plusieurs réformes. Aucun non plus n’avait souligné que ce texte portait en germe un double reniement. Le premier, c’est qu’il y était très clairement rappelé qu’ « une élection présidentielle en ticket exclut EN PRINCIPE un 2e tour » : peut-on prêcher la démocratie à Benghazi et instituer au Sénégal un régime dont le président serait élu par 25% des suffrages exprimés, c’est-à-dire par moins de 600 OOO citoyens sur 12 millions d’habitants ? Le deuxième reniement, qui est aussi une trahison, est de se glorifier d’avoir instauré la parité hommes-femmes dans tous les postes électifs et de proclamer que « le ticket présidentiel n’est pas soumis à la contrainte paritaire »... Il est vrai que peu de parlementaires avaient pris la peine de lire le texte, parmi ceux qui savent lire : de toutes façons, Wade, on ne le lit pas, on ne l’écoute pas : on l’applaudit !
C’est donc ce texte iconoclaste qui est envoyé en procédure d’urgence devant l’Assemblée Nationale, examiné, moins de 3 jours ouvrables après son adoption en conseil des ministres, par la commission des lois et voté par celle-ci avec « une très large majorité » selon le président même de cette instance. Des députés dignes de foi, y compris des élus du PDS, confirment que cette approbation a été faite sans grand état d’âme et que les amendements les plus significatifs n’ont guère été salués pour leur pertinence.
Comment dès lors comprendre que l’Assemblée Nationale, convoquée pour voter et non pour débattre de la légitimité de ce projet de loi, se mue en une camarilla frondeuse, exprime une rébellion si peu conforme à sa nature ? Le matin, la mégère commise habituellement à cette tâche, insultait un député coupable de mollesse, en début d’après-midi le vent avait tourné et les députés défiaient leur guide éclairé ! A ceux qui seraient tentés de croire que ce renversement s’expliquerait par une meilleure appréciation des enjeux, le président Doudou Wade, porte-parole de cette sécession, explique que pour ce qui le concerne, la raison est ailleurs, et elle s’appelle la grâce. A l’heure où le soleil était au zénith et sans doute illuminé par l’éclat des bombes lacrymogènes, et exalté par les vociférations de la foule massée sous ses fenêtres, il a eu, comme Bernadette Soubirous, une révélation. Il n’a pas vu la Vierge Marie, mais il a vu feu Sérigne Abdoul Aziz Sy qui lui montrait la voie à suivre, il a entendu sa voix qui lui intimait l’ordre de dire non.
Cette justification est abusive, servie par peur d’assumer ses propres responsabilités et la réalité est bien plus prosaïque et presque indécente. La vérité, c’est que M. Doudou Wade a surtout entendu les enregistrements diffusés en boucle sur les radios et transmettant une allocution vieille de plus de quinze ans par laquelle le regretté marabout rappelait les élus à leurs responsabilités et il avait décidé d’en faire usage. La réalité, et un député du PDS l’a confirmé à la tribune, c’est que lui et ses collègues ont eu la peur de leur vie, celle de se retrouver dans la rue et dans les quartiers, face à une foule exaspérée, à des jeunes gens qui n’ont rien à perdre parce qu’ils n’ont rien reçu, ni les emplois qu’on leur avait promis il y a plus de dix ans, ni même l’espoir d’une vie meilleure. Les députés avaient donc compris que la provocation n’était pas la réponse appropriée au désarroi. Ce n’était pas une peur imaginaire comme l’ont démontré les incendies et les pillages opérés à Dakar, dans sa banlieue et même au-delà, dans la nuit du lundi 27 juin. Reconnaitre cette vérité là aurait suffi : l’honneur d’un député, c’est d’être le porte-parole de ses électeurs et de traduire leurs préoccupations.
Mais le président du groupe parlementaire de la majorité n’a pas seulement trahi la vérité, il a fait une interprétation sélective et orientée de la pensée d’une figure qui est notre patrimoine commun. Abdoul Aziz Sy n’est pas l’homme d’un seul discours et l’on s’étonne que le député ait mis plus de dix ans pour s’inspirer de son enseignement et de sa parole. Pourquoi n’en a-t-il pas tenu compte lorsqu’il votait la loi Ezan qui blanchissait des crimes qui n’avaient été ni expiés ni pardonnés ? Pourquoi n’a-t-il pas élevé la voix lorsque l’Assemblée Nationale, au sein de laquelle il est toujours le dernier à s’exprimer, supprimait le quart bloquant, prolongeait son propre mandat au-delà de son échéance légale, pour la première fois depuis l’indépendance, ramenait le mandat présidentiel de 5 à 7 ans, violant ainsi tous les engagements du Chef de l’Etat ? Pourquoi l’honorable député, qui non seulement vote le budget mais est aussi chargé de vérifier sa bonne exécution, ne s’est pas ému des détournements, des prévarications, des violences exercées sur des citoyens et restées impunies, des tripatouillages fonciers, des libéralités excessives et discriminatoires accordées aux dépens du patrimoine commun, actes dont sont accusés le Président de la République, son fils et son entourage ? Pourtant le modèle dont il dit s’inspirer aujourd’hui, connu pour avoir mis en harmonie sa foi et ses actes, pour son mépris de l’argent et des honneurs factices, était aussi attaché au respect de la parole donnée et du bien public, à la justice, à la préservation de la vie et des droits de tout être humain.
Assez donc de cette exploitation d’images et de souvenirs offerts comme des signes de ralliement trop faciles. C’est déjà choquant que chaque gargote qui s’ouvre, chaque quincaillerie, portent le nom d’une éminence religieuse et que ce seul baptême autorise leurs propriétaires à transgresser les règles établies. Que beaucoup croient que porter un nom illustre, descendre d’un saint méritent qu’on leur accorde le bon dieu sans confession. « Il n’y a pas de fils d’os, dit un proverbe pulaar, il n’y a que des fils de capsules de cotonnier » : certains sont sains, d’autres sont pourris. Mais l’irruption du religieux, voire du confrérisme, dans l’enceinte de l’Assemblée Nationale est encore plus insupportable. Parce que la salle du parlement ressemble plus à un lieu de spectacle, à une scène théâtrale, qu’à un lieu de prière, que tous les coups y sont permis, et que la personnalité mise en cause ne peut être réduite à un argument électoral. Parce que si chaque député y brandit l’image du guide qui est l’objet de ses préférences, nous cesserions d’être une nation. Monsieur le député, laissez donc le religieux aux croyants, la foi dans les cœurs, portez plutôt vos efforts à défendre les pouvoirs de votre assemblée, qui sont grands, à faire en sorte qu’elle ne soit plus méprisée par l’autre pouvoir qui vous invite à voter une loi à la préparation de laquelle vous n’avez pas été associés, qui livre les teneurs de ses concessions à la presse étrangère avant même que vous n’en soyez informés. Le mandat d’un député, M. Neveu, ce n’est pas de mettre en application les idées de son guide, c’est de défendre les intérêts de ceux et celles qu’il représente, surtout si ces intérêts sont aussi ceux de la nation.