Je suis historien et géographe de formation. J'ai été enseignant-formateur à l’Ecole Normale Supérieure (ENS) de Dakar, puis en charge de différentes structures et directions administratives. A la retraite depuis plusieurs années, je profite de ma liberté recouvrée pour assouvir une vieille passion : écrire. Ces dernières années, j’ai publié deux romans («Mon villages au temps des blancs » en 2000 et «La Raparille» en 2010) ainsi que trois essais (« A mes chers parents gaulois » en 2007 ; "Wade Mecum ou le wadisme en 15 mots" en 2010; "Le temps des choses jamais vues : chronique des années Wade-Sarkozy", 2013). Je publie régulièrement des chroniques dans divers journaux sénégalais (en particulier « Nouvel Horizon » et "Sud Quotidien").

jeudi 8 juillet 2010

PATRICE EVRA ET LES PYROMANES...

NB Ce texte a été publié dans le "Nouvel Horizon" du 25 juin 2010
Dans une confession diffusée quelques jours avant le Mondial 2010, Patrice Evra nous expliquait que c’était son cœur qui avait choisi la France. Sa famille réside bien au Sénégal, le pays de son père avait déployé de grands efforts et multiplié des offres pour l’attirer dans la tanière des Lions, mais, lui, avait laissé parler son cœur. Il aime la France, il y a vécu depuis l’âge de douze mois, il parle sa langue, il partage sa culture…
Pourtant, quelques semaines après ce cri du cœur, des voix, celles que l’on entend chaque fois qu’il s’agit d’opposer les Français aux Français, n’hésitent pas à lui contester son appartenance à la France. Il a suffi d’un flot d’injures proférées par un joueur contre son entraineur, dans l’intimité des vestiaires, pour que ces pyromanes de l’unité française saisissent l’occasion de pointer du doigt ces « cailleras », ces Français à part, inintelligents, grossiers et, hélas millionnaires, qui ne symbolisent la France que lorsqu’ils sont victorieux. Pour Alain Finkielkraut, pour Eric Zemmour, pour tous ceux qui sont portés à l’amalgame et à la généralisation, la mayonnaise « Blanc-Black-Beurr » ne prendra jamais et le multiculturalisme est un leurre. Le mal des Bleus, c’est le mal de la France : le communautarisme et l’Islam. L’équipe de France de football, résume Finkielkraut, n’est pas une « équipe nationale » : il avait déjà dit qu’elle était trop noire, qu’elle est en réalité « black-black-black » et que cela faisait « ricaner toute l’Europe », il ajoute que ces noirs-là ont, quoiqu’ils fassent, une culture, un « comportement » non solubles dans la nation française. Que ce soit dans la rue ou dans les vestiaires, les émeutiers sont, pour lui, toujours définis par leur couleur.
On en vient donc presque à oublier les généraux pour ne s’intéresser qu’aux fantassins. On ménage un président de fédération laxiste et ondoyant, un sélectionneur dont le mode de fonctionnement, les humeurs, les improvisations déroutent tout le monde, qui a commis cette faute, impardonnable en Afrique, de mépriser ses hôtes qui s’étaient dépensés, avaient appris le français pour l’accueillir, qui a enfermé ses joueurs dans un huis-clos luxueux mais propice aux conflits. On peut pardonner à Domenach de dire qu’il est indifférent à la blessure de Drogba, qui est un produit de l’école de football française, de faire une déclaration d’amour à sa compagne le soir où la France sombre dans la défaite, cela ne fait pas de lui un goujat. On peut aussi pardonner aux rats, ceux qui, les premiers, quittent le bateau en perdition : les sponsors qui livrent les joueurs à la vindicte populaire, au risque de les déstabiliser davantage alors qu’un match capital se prépare, alors qu’on ne dispose même pas encore de toutes les versions, avant même le grand déballage d’où pourrait sortir la vérité. Les origines de la débâcle française sont, de toute façon ailleurs, pensent les pyromanes. Zemmour n’était ni à Knysna ni à Bloemfontein mais il a son idée : l’équipe de France est minée par ses Noirs qui ont « mis de côté les Blancs », par ses Africains et ses Antillais qui ne se supportent pas et surtout, par ses musulmans convertis qui terrorisent tout le monde. C’est dire que Nicolas Anelka, noir, antillais et converti à l’Islam, est une cible toute trouvée, le voyou absolu. Qu’importe la contradiction, puisqu’en même temps on prétend que la junte de « caïds » serait composée, notamment, d’Evra, un africain, Gallas, un antillais, qui sont noirs mais non musulmans, et de Ribéry qui est musulman mais qui est blanc : c’est la sainte alliance des démons !
Même si les insultes faites à Zidane avaient moins choqué les Français, les propos prêtés à Anelka (et qu’il conteste) sont évidemment de très mauvais goût. Pour autant la vulgarité est-elle si absente de la société française au point de valoir au joueur une quasi excommunication ? Elle est dans les médias et il suffit d’écouter les chaines de radio françaises (« On ne va pas se gêner » sur Europe 1 ou « Les Grosses Têtes » sur RTL, pour m’en tenir aux programmes les plus « cleans ») pour mesurer la crudité des propos que l’on peut entendre aux heures de grande écoute. Sur France Inter, chaine publique, et au cours d’une émission grand public, un chroniqueur a tenu à l’endroit de Sarkozy, président de la République, les mêmes propos, au mot près, que ceux qu’Anelka aurait adressés à Domenach, pour faire de l’humour nous dit- on, et n’a récolté qu’une vague réprimande. Un groupe de rap, très connu, a pour nom NTM, que je me garderai bien de traduire. Enfin lorsque le Président de la République, ancien élève de l’IEP de Paris, ancien maire, ancien député, ancien ministre, qui a trente ans de vie politique, s’autorise à dire à un de ses concitoyens, devant les médias publics, « Casse-toi pauvre con ! », comment s’étonner qu’un jeunot de trente ans, qui ne revendique aucun diplôme, aucune expérience publique, se permette, en aparté, des libertés de langage ? Du reste Anelka est-il plus grossier, fait-il preuve de moins d’éducation que Domenach qui refuse de serrer la main tendue par son homologue brésilien à l’issue du match France-Afrique du Sud ?
Ce que certains reprochent donc aux Bleus ce n’est pas tant d’avoir mal joué, ce qui est une évidence, ni même d’avoir manqué à leurs responsabilités, c’est d’avoir été de mauvais Français, ce qui est une spéculation. Voila comment une mauvaise gestion, une mauvaise pédagogie, une conscientisation bâclée virent en débat ethnique et racial. Finkielkraut ne sonne pas plus Gaulois que Diaby ou Sagna, les Gallas ont été Français plusieurs siècles avant les Sarkozy : il n’empêche quand on est « issu de l’immigration » du Sud ou, plus généralement, quand on est black ou beurr, il faut toujours fournir la preuve qu’on est Français, étaler au grand jour sa fibre française. On est forcément issu de ces racailles des banlieues, et de la pire d’entre elles, la 93. Ces gens là ont « un vocabulaire » fait de borborygmes et d’injures et voila pourquoi, comme le dit Zemmour, le pauvre Gurcuff, « trop poli », est « mis à l’amende » dans cette fausse équipe de France où il n’est pas à sa place. Les larmes, les excuses, les regrets de ses joueurs n’y changeront rien : puisqu’on ne peut pas changer le onze de France, on va changer de passion et de sport, abandonner le foot aux allogènes, la France va se mettre au rugby car là-bas au moins ils restent une curiosité !
Tous les « binationaux » qui, un jour, seront appelés à choisir l’équipe de leur cœur devront se rappeler l’expérience de Patrice Evra.

1 commentaire:

clovis simard a dit…

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